Ce mardi 2 avril 2024 le laboratoire de géographie ThéMA a organisé, en collaboration avec des associations faisant partie du collectif RN+5,7°, une conférence animée par Frédéric Héran sur la question de la mobilité de demain dans le Grand Besançon. F.Héran est un urbaniste et économiste des transports intervenant fréquemment dans les médias nationaux pour parler de transition dans la mobilité. Environ 110 personnes ont assisté à la conférence dont plusieurs élues de Besançon et du Grand Besançon Métropole.
Le fil directeur tenu par le conférencier est explicite : pourquoi la voiture pose problème ? Cette question a été mis en écho notamment à la question du doublement de la RN 57 entre Beure et Amitié, projet que l’AVB et autres associations du collectif RN+5,7° contestent en justice. Voir nos billets en opposition à ce sujet depuis 2019.
F.Héran a également mis en lumière les nombreux problèmes que pose la voiture en insistant particulièrement sur l’empreinte matière de l’automobile, insoutenable dans un avenir proche.
A aussi été fait la démonstration de cette fuite en avant que constitue l’idée des aménagements pour « gagner du temps » ; Alors qu’en 40 ans nous mettons en moyenne exactement le même temps à nous déplacer (1 h environ), les distances ont quant à elles été multipliées par 10.
Une autre partie a porté sur le concept de trafic induit dont il a minutieusement détaillé le mécanisme. Cette notion se résume très simplement de la manière suivante : plus le trafic est fluide, plus il y aura de trafic… Jusqu’à atteindre la saturation décrite par Jevon. Autrement dit l’élargissement des routes, évoqué comme solution pour fluidifier le trafic, est une fausse solution. Elle n’est que temporaire. Rapidement, le trafic augmente et les niveaux de congestion redeviennent semblables au bout de quelques années. Ce concept est illustré par d’innombrables cas à travers la planète notamment aux États-Unis où le phénomène est observé sur des sections à plus de 20 voies ! Mais qui sait, peut-être la situation s’améliorerait à la 21e ? Le trafic induit est malheureusement trop peu pris en compte par les études préalables aux aménagements : il n’apparait notamment pas dans l’étude concernant le doublement de la RN57, comme l’avait signalé l’autorité environnementale dans son compte rendu.
À l’image des étapes du deuil, F.Héran décrit 5 étapes suivant la création d’une route :
- Le report temporel. La capacité plus importante concentre à nouveau le pic de trafic à l’heure de pointe ;
- Le report spatial. Les axes parallèles sont délaissés car relativement plus encombrés ;
- Le report modal. Comparativement moins rapides, les personnes utilisant d’autres moyens de transports se reportent sur l’automobile ;
- L’augmentation de la fréquence des déplacements. L’offre plus importante crée une demande plus importante, on facilite le déjeuner chez soi, le crochet vers la zone commerciale, la visite des proches…
- Le changement d’itinéraires. Le temps de trajet supplémentaire offert est utilisé pour se déplacer plus loin, ce qui ne manque pas d’alimenter l’étalement urbain et ultimement l’artificialisation des sols.
Des solutions existent pour réduire la place de la voiture en ville, des vraies comme des moins vraies. Hélas pour les automobilistes, les solutions qui marchent sont évidemment celles qui limitent la circulation automobile, qui « rendent la voiture moins efficace ». Parmi les mesures inefficaces mais populaires en voici quelques unes, vous en reconnaitrez certainement tant elles occupent les responsables politiques cherchant à tout prix à ne pas froisser les automobilistes :
- Les parcs relais, favorisant l’étalement urbain et ne créant ultimement qu’un appel à l’usage de la voiture sur des axes temporairement fluidifiés ;
- Les vélos en libre-service, ayant un public principalement occasionnel ;
- Le télétravail, favorisant également l’allongement domicile-travail ;
- Certaines pistes cyclables, celles qui « ne prennent pas de place à la voiture », ou qui n’ont pas de traitement sécurisé des traversées ;
- Certaines lignes de bus à haut niveau de service, qui ne sont pas en site propre et n’ont pas de priorité aux feux.
Sans surprise, les mesures les plus efficaces sont celles qui sont les plus sensibles, les plus impopulaires… dans un premier temps. Elles finissent par remporter l’adhésion lorsque la démonstration de tout ce qui est gagné en absence de voiture devient visible, mesurable. Parmi elles :
- Le péage urbain. « Double dividende » réduisant le trafic et générant une recette, potentialisée si elle finance les alternatives à la voiture ;
- Le stationnement payant. L’espace public a un coût de gestion, il paraît naturel que de limiter son occupation par un objet immobile pour les usages nécessaires;
- Les limitations de vitesse. On compte en France 200 villes à 30 km/h, seuil au-delà duquel les nuisances du trafic augmentent de manière exponentielle ;
- La réduction de la capacité routière via la suppression de files de circulations.
- La complication de la circulation. Fermer des rues au transit permet à la fois de rendre la voiture moins intéressante au profit d’autres modes de déplacement ;
- La limitation du stationnement ;
- Le développement du tramway ;
- Le développement de pistes cyclables (en remplacement des files de circulation) ;
- Les voies de bus en site propre ;
- Les voies de covoiturage divisant le nombre de voitures en circulation.
Voilà un aperçu de ce que nous avons entendu hier soir. Pour avoir le diaporama de la conférence, contactez-nous. F.Héran, enseignant-chercheur, partant du principe que ce travail est « payé par nos impôts » nous autorise à diffuser ses supports, avec pour seule condition, la nécessité de le citer si on utilise son travail.
Cette conférence a été précédée d’une conférence de presse ayant fait l’objet d’articles par l’Est Républicain, Ma Commune, et France 3.