Doublement de la RN57 : une aberration environnementale

Mise en 2×2 voies de la RN57 entre les boulevards et Beure

Venez nombreux à la réunion publique le mardi 5 novembre 2019 à 20 h au parc des expositions Micropolis!

La concertation publique en est à sa deuxième phase. Il est important que nous soyons nombreux à exprimer notre désaccord avec ce projet climaticide. Un collectif d’associations s’est créer pour s’opposer à ce projet. Voici nos arguments:

Doublement de la RN57 : une aberration environnementale

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Quels que soient les travaux envisagés, quelles que soient les demandes des habitants, 2 points devraient toujours primer sans être négociables:

-l’impact sur les changements climatiques
-l’impact sur l’environnement et la biodiversité

Nous estimons que ces paramètres n’ont pas été suffisamment étudiés et pris en compte.

Thierry Vatin, directeur de la DREAL affirmait lors de la réunion du 9 novembre 2017 « après, je crois qu’il ne faut pas tout mélanger, et on ne va pas régler les 3 degrés de la planète Terre à l’horizon 2100 juste sur une question d’un contournement de Besançon. »

Mais si M. Vatin ! Vous vous trompez ! Evidemment que le contournement de Besançon contribue au changement climatique ! De la même manière que tous les contournements de France et du monde. C’est justement la somme de tous ces « petits » contournements, de toutes ces petites actions qui ont conduit notre planète dans cette situation catastrophique ! Arrêtons de croire que l’impact est négligeable !

 Chacun d’entre nous, chaque responsable politique, chaque technicien travaillant sur le projet, chaque habitant, doit s’interroger : pensez-vous vraiment que le doublement de la RN 57 n’aura pas d’impact sur les changements climatiques ? Pensez-vous vraiment que ces gigantesques travaux n’impacteront pas l’environnement et en particulier la biodiversité dont Besançon se revendiquait la capitale en 2018 ?

 Il est indispensable de se poser les bonnes questions ! Personne ne nie l’encombrement ! Mais quelles en sont les causes?

Plutôt que de chercher uniquement à fluidifier le trafic, l‘objectif ne devrait-il pas être de diminuer le nombre de voitures ? S’attaquer aux causes et non pas aux conséquences serait plus résilient.

Les changements climatiques

Le dossier de cette seconde consultation publique reconnaît p37 que le trafic sur la RN57 a fortement augmenté entre 2012 et 2017. On peut estimer que l’augmentation a été de près de 14% de véhicules par jour sur cette période. Or, le 12 juillet 2011 la voie des Mercureaux a été inaugurée. Une grande partie de cette augmentation du trafic est donc imputable à la création de cette nouvelle voie. Ces chiffres confirment localement ce que les urbanistes appellent le trafic induit, c’est à dire « le trafic supplémentaire généré par la création ou l’amélioration d’une infrastructure de transport ».

Par conséquent, et contrairement à ce que prétendent les simulations de cette seconde étude, il n’y aucune raison pour que l’augmentation du nombre de véhicules qui a eu lieu lors de l’ouverture de la voie des Mercureaux n’ai pas lieu avec l’élargissement de la RN 57.

Et malheureusement, cette augmentation du nombre de voitures a nécessairement un impact sur les rejets de CO2 et donc un impact sur les changements climatiques.

       Or, tous les rapports du GIEC appellent à un sursaut international pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Un projet contreproductif

Revenons sur l’effet induit. Olivier Thirion, chef de service adjoint du service Transports Mobilités à la DREAL, affirmait lors de la réunion publique du 9 novembre 2017 que « les déplacements domicile-travail sont créés par là où habitent les gens et là où ils vont travailler. Le nombre des déplacements quotidiens est lié au développement économique et non pas à une infrastructure qu’on modifierait aujourd’hui pour passer à 2 × 2 voies ». Concernant cette dernière affirmation, est ce que M. Thirion remet en question les études des urbanistes [1] qui affirment le contraire ?

Il est certain que le trafic va augmenter du fait de certains automobilistes qui empruntaient jusqu’à maintenant d’autres itinéraires, mais il va augmenter dans des proportions bien plus importantes pour plusieurs autres raisons qu’on ne peut négliger et que l’étude doit prendre en compte.

On parle de triple convergence :

  • La convergence spatiale des usagers, c’est-à-dire un changement d’itinéraire ;
  • La convergence modale : les usagers se reportent sur la voiture ;
  • La convergence temporelle : changement d’horaire de déplacement, en particulier à l’heure de pointe, que les usagers cherchaient à éviter.

Puis à plus long terme, la fluidification de l’itinéraire (les premiers temps) aura pour conséquence de modifier :

  • L’occupation des sols : les usagers vont pouvoir aller habiter plus loin sans augmenter leur temps de trajet, ce qui entraîne la création de zones résidentielles, de zones d’activité et donc un accroissement de l’étalement urbain ;
  • Des choix de destination, pour des motifs contraints comme le travail ou les études (les individus acceptent des emplois plus éloignés de leur domicile, par exemple).

Dans tous les cas, ces modifications de comportements induits par l’élargissement de la RN57 entraineront plus de circulation et donc plus d’émission de gaz à effet de serre.

Un coût démentiel

Après les 70 millions d’€ de la mise en 2 x 2 voies de la RN 57 entre Valentin et Devecey, le projet du doublement de la RN 57 entre « les Boulevards » et Beure est estimé à un coût compris entre 80 et 120 millions d’€.

Ces chiffres prennent du sens lorsqu’on les juxtapose avec le budget 2019 de Besançon Métropole pour les déplacements à vélo : 1 million d’€ !

Soit 7,7€/habitant en y intégrant le plan Ginko Vélo, bien loin du modèle néerlandais de la ville d’Utrecht qui consacre annuellement 112€/habitant !

Pour comparaison 1km de doublement de la RN57 permettrait la réalisation de 170 km de pistes cyclables à haut niveau de service.

Le projet a pour but de fluidifier le trafic en supprimant les bouchons aux heures de pointe du matin et du soir. Pour rappel, la saturation du tronçon aux heures de pointe est liée entre 82 et 85% à la desserte locale. A l’heure de l’urgence environnementale, le « tout voiture » n’est pas la solution : les transports en commun urbains et interurbains et les déplacements en mode doux doivent être largement privilégiés.

Un projet étudiant uniquement un développement des transports en commun et des modes doux basé sur un budget identique à celui projeté pour le doublement de la RN57 a-t-il été réalisé ? C’est ce genre de comparaison qui devrait être présentée dans le cadre de l’enquête publique.

Creusement des inégalités et qualité de l’air

On ne cesse de le répéter, justice sociale et justice climatique, même combat ! Se permettrait-on, ne serait-ce que d’envisager, de construire une 2×2 voies sous les fenêtres des quartiers résidentiels huppés de l’agglomération ? Pourtant, cela ne semble pas choquer les aménageurs de le faire à Planoise (20 000 habitants), dans un quartier déjà pris en étau entre cette route nationale, la route de Dole et l’usine d’incinération.

Il est vrai que le cadre de vie dans ce secteur est déjà très dégradé et pourrait largement être amélioré. Mais, construire une 2×2 voies qui va encore enlaidir davantage le paysage, renforcer la coupure urbaine (en élargissant les emprises routières), le bruit et la pollution de l’air (avec l’augmentation des vitesses et l’augmentation du trafic induit) ne fera qu’empirer la situation. Rappelons que la pollution de l’air est à elle seule responsable de 67 000 décès prématurés par an en France[2], ce qui en fait la 2e cause de mortalité précoce après le tabac et devant l’alcool.

La France a par ailleurs été condamnée le jeudi 24 octobre 2019 par la justice européenne qui a estimé que la France a dépassé « de manière systématique et persistante«  le seuil limite de dioxyde d’azote depuis 2010.

L’aggravation de ces problèmes ne sera pas empêchée par les maigres compensations possibles (murs anti-bruit et trémie couverte). La seule solution est la remise en cause profonde de ce modèle d’aménagement du territoire qui repose sur l’automobile et l’étalement urbain.

A Besançon comme ailleurs, ce sont les quartiers les plus défavorisés qui sont touchés de manière disproportionnée par les risques environnementaux [3]. Empêchons la construction de cette 2×2 voies qui va encore creuser davantage cette injustice sociale !

Un projet déjà dépassé !

De grandes métropoles sur tous les continents remplacent les voies rapides les traversant par des espaces verts et avenues très connectées, bordées d’immeubles d’habitation, de bureaux et de commerces. On peut citer les cas de Séoul, New York, San Francisco, Portland, Milwaukee, Montréal, Paris…et bien d’autres !

Plus localement citons Metz, qui, en 2011, a réaménagé la route départementale 999 en lui « conférant un profil plus urbain ». La délibération du conseil municipal du 28/04/2011 indiquait ainsi : « l‘objectif de ce réaménagement est de réduire la vitesse en diminuant les largeurs circulables, de créer des îlots de protection des traversées piétonnes avec éclairage public et abords de chaussée agrémentés d’espaces plantés ou engazonnés. »

Bien que les approches soient parfois différentes, les résultats convergent : réduction du nombre de voitures, de kilomètres parcourus, de la vitesse, de la pollution et des nuisances sonores, libération de foncier, etc. Après une phase d’opposition, les habitants plébiscitent les transformations, et démontrent une forte capacité d’adaptation. La politique de stationnement joue un rôle important dans ces transformations, ainsi qu’une forte implication des acteurs économiques et une politique d’aménagement structurante contre l’étalement urbain.

En réformant une quinzaine de voies express, Séoul est parvenue à faire baisser la température dans certains quartiers et restaurer la biodiversité. C’est certainement l’un des exemples les plus marquants.

Voies sur berges rendues aux piétons et modes doux

Les limites de l’urbanisation basée sur la voiture sont documentées depuis plus de 40 ans. Besançon aurait-elle un train de retard ?

Quelques citations :
Plutôt qu’à de nouvelles voies de circulation à caractère autoroutier qui favorisent l’accroissement de la circulation automobile, la préférence doit être donnée à des avenues urbaines améliorant les commodités de la circulation et l’agrément des quartiers.
Lettre de Valéry Giscard d’Estaing à Jacques Chirac, 17 septembre 1978. Texier (Simim), Paris contemporain, Parigramme, Paris, 2010

On constate que le trafic augmente de 11 % en moyenne l’année de mise en service d’une autoroute par rapport à l’année précédente. Après 10 ans, le trafic augmente de 40 %.
CETE de l’Ouest, SETRA, Ministère de l’Equipement, Août 1992

Vers une diminution du nombre de camions

Dans le contexte d’adaptation aux crises environnementales, économiques, sanitaires et sociales, les attentes de la population, des associations environnementales et de consommateurs ainsi que des syndicats agricoles convergent dans le sens d’une relocalisation de l’économie et principalement sur le plan alimentaire. La lutte contre la concurrence mondialisée déloyale et l’opposition au TAFTA en sont des parfaits exemples. Le secteur agricole français traverse une crise profonde. Pour la première fois, Santé Publique France (sur la base des travaux du HCSP et de l’ANSES), a intégré des dimensions environnementales aux repères de consommation alimentaire destinés à être diffusés à la population (moins de viande et produits laitiers et donc d’importation de soja, plus de légumineuses et donc moins d’intrants). Les politiques publiques adaptent la restauration collective pour plus de bio, de local et de saison, des revenus garantis aux agriculteurs, et vont devoir accélérer drastiquement la tendance les prochaines années.

Nous pouvons ainsi anticiper que le transit se transformera profondément, sur des trajets plus courts. Cela remet en cause la pertinence de l’itinéraire européen E 23 (dont la RN57) entre le Luxembourg et la Suisse à l’horizon 2045.

Par ailleurs, nous rappelons la nécessité de développer le ferroutage, qui peine actuellement à concurrencer les poids lourd tant sur la qualité de service que sur les tarifs. Le ferroutage impose de profonds bouleversements dans l’organisation des entreprises, en particulier pour les transporteurs. Ses avantages pour la collectivité sont démontrés et une véritable volonté politique, accompagnée d’investissements conséquents sont nécessaires pour dépasser le seuil de rentabilité de la courbe de développement, et une adoption massive par les entreprises.

L’investissement colossal de fonds publics dans le secteur routier va à contre-courant de ces deux évolutions nécessaires pour notre société.

 La biodiversité

 En complément du rapport du GIEC, l’IPBES a sorti le 6 mai 2019 un constat alarmant sur l’état de la biodiversité au niveau mondial. Une des causes de déclin notée est l’expansion de l’urbanisme via la bétonisation. L’année dernière, l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB) constate dans son bilan 2018 que « malgré quelques progrès ponctuels, la biodiversité va mal. Tous les indicateurs sont au rouge sous la pression de la destruction et de la fragmentation des milieux et des habitats naturels, des pollutions, de la surexploitation d’espèces, auxquelles s’ajoutent les dérèglements climatiques ».

Les travaux de doublement de la RN 57 vont engendrer la bétonisation, une expansion de l’urbanisme et une fragmentation des milieux et des habitats naturels.

De plus, la RN 57 passerait « à proximité » de zones humides, et d’une ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique) de type 1 (protection d’un biotope, et de certaines espèces (faune et flore) au sein de cette zone). Lorsqu’on dit « à proximité », il ne faut pas oublier que les limites ont été fixées par l’homme et qu’en aucun cas la biodiversité s’arrête à ces limites. Les travaux impacteront donc des zones considérées comme riches en biodiversité.

[1]The Fundamental Law of Road Congestion, de Gilles Duranton et Matthew A. Turner publié dans The American Economic Review  vol. 101, no. 6, October 2011

[2] La pollution de l’air tue deux fois plus que ce qui était estimé. 12 mars 2019 [cité 19 mai 2019]; Disponible sur: https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/03/12/la-pollution-de-l-air-tue-deux-fois-plus-que-prevu_5435029_3244.html

 

[3] Sur ce sujet on peut notamment se reporter au rapport de l’Agence Européenne de l’Environnement intitulé Exposition et répercussions inégales: vulnérabilité sociale à la pollution atmosphérique, au bruit et aux températures extrêmes en Europe ou à l’article de Reporterre « Les pauvres sont les premières victimes de la pollution » https://reporterre.net/Les-pauvres-sont-les-premieres-victimes-de-la-pollution » 22 novembre 2017 / Baptiste Giraud et Nno Man (Reporterre)

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