« La pratique du vélo explose« , « Le vélo veut se faire sa place« , « Le vélo a changé de braquet« , « Le vélo gagne en pistes« , … La bicyclette semble enfin s’insérer au sein de la mobilité urbaine après avoir durement bataillé. Pour autant, faut-il se satisfaire de la situation et tenter de la maintenir telle quelle ? N’est ce pas un énième appel pour l’Homme de faire une croix sur le confort de l’habitude et gagner en adaptabilité, en résilience ? Le vélo est-il une fin en soi ?
Notre demande
« On ne va quand même pas faire des pistes cyclables partout !« . Cette formule vous la connaissez, c’est celle préférée des opposants à la sécurité des cyclistes prouvant également que nos demandes ne sont toujours pas entendues. Elle est le reflet même d’une vision simpliste de la rue comme un tunnel de transit qui serait le stade ultime de son évolution.
Qui a déclaré vouloir imposer le vélo aux personnes habitant actuellement à 50km de leur lieu de travail où il doivent se rendre quotidiennement avec une cargaison de plâtre et d’armoires normandes ? Les même qui souhaitent imposer la voiture comme moyen de transport exclusif à tout ceux qui n’auraient pas ces contraintes. Ceux qui s’opposent fermement au rééquilibrage de l’espace public sous prétexte que cela ne leur serait pas profitable, peu importe ce qu’il se passe autour d’eux.
L’Association Vélo Besançon a pour objectif de défendre l’intérêt des cyclistes. Ce qui n’empêche pas ses adhérents de cogiter chacun de son côté et d’avoir ses propres combats. Combien d’entre vous partagent mon avis que le combat Pain au chocolat ou Chocolatine est puéril et que le seul nom officiel méritant d’être gardé serait le nom de son origine probable à savoir Schokoladencroissant ? Aussi, je porte comme vision une mobilité alternative. Pas seulement indépendante de la voiture, mais de toute forme de véhicule, vélo y compris.
Le vélo comme une fin
Le vélo doit être considéré comme un véhicule au même titre que la voiture. La voiture représente aujourd’hui un poids socialement accepté au sein de la communauté, que ce soit sur le plan économique, environnemental ou social. C’est une source d’inégalités à laquelle nous sommes dépendants. Qui s’opposerait à la sécurité de chacun au quotidien ? Qui s’opposerait à la réduction des distances domicile-travail ? Qui s’opposerait à la proximité avec les commerces et autres services ? Participer à un modèle revient à le soutenir. C’est pourquoi il est nécessaire pour chacun d’entre nous de limiter la dépendance à l’automobile et toutes ses externalités en limitant son usage. Pour une distance de moins de 1km, 58% des actifs ont recourt à la voiture. Cette part augmentant jusqu’à 80% pour les trajets inférieurs à 10km. Pour autant, combien de ces déplacements nécessitent une voiture ? En particulier lorsque l’on sait qu’une grande part du temps de trajet est due aux embouteillages en milieu urbain.
À défaut de réduire l’usage de la voiture, sa présence doit être limitée au sein des zones denses par la mise en place de solutions locales telles que des parkings relais ou des abris vélo sécurisés. C’est, entre autres, par un ambitieux plan de réduction de l’usage de l’automobile que la ville d’Oslo a réussi en 2019 à réduit sa mortalité routière en 2019 à 1 seule mort. Cette stratégie n’est pourtant pas une fin en soi, en particulier dans l’idée d’avoir généralisé les contre-sens cyclables non pas par sécurité, mais pour laisser le choix de leur itinéraire aux cyclistes. Un aveu à demi-mots que leurs propres standards d’aménagements n’auraient pas suffit à assurer la sécurité des usagers ? Dans les autres mesures, on observe une généralisation du 30km/h à 66% des rues, l’élargissement des trottoirs de 2,5 à 3 mètres et l’objectif de multiplier par 4 la part modale du vélo.
La fin du vélo
Un avenir où tout le monde se déplace à vélo est-il envisageable ? Est-il ne serait-ce que voulu pour les piétons ? Les choix faits aujourd’hui seront un héritage. Non seulement pour demain mais également le lendemain pour réduire la dépendance à l’automobile mais également construire une mobilité plus saine, accessible et équitable. Dans cette idée, créer une dépendance au vélo ne semble pas non plus souhaitable.
Une étude du groupe Transport for Under Two Degrees, estime le niveau d’engagement actuel pour limiter le réchauffement climatique comme trop faible et préconise une décarbonisation totale du secteur du transport d’ici 2050. Non limité à l’aspect véhiculaire du transport, c’est tout un système qui est à réévaluer afin de pouvoir espérer atteindre les objectifs fixés. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si leur message ne se résume pas à une recommandation universelle de se mettre au vélo mais à un message plus soutenu plaçant les mobilités actives et les transports en commun comme pilier d’un transport urbain en accord avec les questions environnementales.
On remarquera que là où l’importance du transport public est quasi-unanime, la place du vélo, de la marche et, entre autres, de la voiture semble encore faire débat. Le devenir de l’Homme est-il de perdre l’usage de ses jambes ?
Au Royaume-Uni, fleurissent les « Low Traffic Neighbourhoods » (Quartiers à Trafic Apaisé). Une forme de diminution induite de la motorisation en créant des espaces pensés pour l’Homme et non pas la voiture. Ces zones matérialisent la violence motorisée qui a su s’immiscer dans le quotidien, si bien qu’elle a su décrocher la catégorie de « Faits divers » et qu’un homicide, volontaire ou non, est désigné comme un simple « Accident« . Il est aujourd’hui devenu inconcevable ne serait que de suggérer une déviation à un automobiliste alors qu’il est pourtant normal dévier piétons et cyclistes à la moindre occasion. Combien de fois a-t-on vu des panneaux de travaux, pourtant limités à la chaussée, placés sur les bandes cyclables ou trottoirs ? Combien de fois a-t-on ouvertement fait comprendre aux piétons et cyclistes que ces derniers étaient moins important que les automobilistes ?
Et après ?
Mis à part les professionnels offrant un produit ou un service lié au vélo, aucun d’entre nous n’a d’intérêt particulier à promouvoir son usage si ce n’est notre propre sécurité au quotidien et l’espoir d’un futur moins sombre. La règle des 5R cherche à minimiser l’impact de nos déchets en questionnant nos usages, il peut être nécessaire de questionner nos mobilités. L’Homme a faim. Faim de biens, faim de services, faim de confort, faim de mobilité. Pour autant, cette faim ne peut suffire à justifier les choix de mobilité.
L’heure n’est plus aux grand chantiers, à l’artificialisation des sols à l’excès et à l’accroissement de l’empreinte de l’Homme sur l’environnement ! Il est temps pour nous de lever le pied, se contenter de ce qu’on l’a à minima,réduire les externalités anthropiques au mieux. Peut-être définitivement, peut-être jusqu’à ce que la sacro-sainte technologie nous permette de reprendre une croissance. Que penser de ce projet de taxis volants dont je vous laisse imaginer l’accessibilité aux particuliers ainsi que la taille des parkings nécessaires ?
J’ai mon propre avis sur la mobilité de demain, celle que je souhaite construire et vivre avec chacun d’entre vous. Sans nécessité de véhicule quel qu’il soit. Alors que le vélo semble finalement avoir sa place au sein de la question de mobilité, serait-ce l’occasion de continuer sur cette lancée et viser la piétonnisation ? Et si le vélo n’était pas une fin ? S’il ne constituait qu’une étape dans un itinéraire qui nous était aujourd’hui possible.