Attention : article long et un peu compliqué ! Mais prenez le temps de le lire !
L’objectif de cet article est de démontrer pourquoi on peut remettre les aménagements cyclables sur le pont de Bregille sans risque pour la circulation.
Pour cela, observons ce qui se passe sur le pont lorsqu’il y a des bouchons, comme ce fut le cas le jour de notre dernière manifestation, avant que celle-ci ne commence.
Comme l’ont indiqué plusieurs de nos adhérents actifs venus de l’est, l’avenue Droz, le boulevard Diderot et la rue des Jardins étaient déjà paralysés avant 18h. Ceux-ci ont remonté un « bouchon ininterrompu » pour nous rejoindre sur le pont.
Les photos suivantes ont été prises à 18 heures, juste avant que les cyclistes présents ne prennent place sur la voie de droite du pont.
(Pour les incrédules, l’heure peut être vérifiée dans les données Exif des photos.)
Comme vous pouvez le constater, l’avenue Droz est bloquée :
Quant au pont, la voie du milieu est bloquée également… tandis que la voie de droite est totalement vide. Les automobilistes ne l’utilisent pas !
Mais pourquoi ne l’utilisent-ils pas ? (Ou presque pas, comme l’aurait montré une observation plus longue.)
Utiliser les deux voies ne permettrait-il pas d’écouler deux fois plus de véhicules à la fois et de réduire les bouchons ?
Non. À cette heure-ci la quasi-totalité des automobilistes présents rejoignent Rivotte (la plupart du temps pour quitter la ville par Morre). Et la voie centrale est la seule à permettre cette manœuvre.
Quelques automobilistes utilisent quand même cette voie (d’où lepresque). Il s’agit de ceux qui rejoignent le centre-ville par Sarrail, ou qui vont au parking Saint-Paul. Mais aux heures de pointes du soir, celles qui posent problème, quasiment personne n’entre au parking Saint-Paul. Quand aux gens qui se rendent au centre-ville, ils ne sont pas fous et privilégient pour la plupart des itinéraires moins chargés.
En conclusion, si l’on supprime la voie de droite pour recréer les aménagements cyclables :
– Les bouchons seront les mêmes qu’avant, ni mieux ni pire, et l’immense majorité des usagers, qui se dirige vers Rivotte, ne verra aucune différence.
– Les usagers se rendant au parking Saint-Paul ou au centre-ville par cet itinéraire n’auront plus la voie de droite et marqueront peut-être le feu une fois de plus qu’actuellement. Mais ces usagers sont moins nombreux que les cyclistes, et leur faire gagner deux minutes ne justifie pas de laisser les cyclistes en danger.
– Il en est de même pour les bus, qui n’ont pas encore été cités jusqu’ici. Ceux-ci profitent de la voie de droite pour rejoindre plus facilement la voie menant au centre Saint-Pierre, et sans elle ils mettront également deux minutes de plus à franchir le pont. Mais les bouchons qu’ils auront subi avant ce franchissement seront toujours les mêmes. Et même s’il est légitime de se préoccuper de l’efficacité des transports publics, faire gagner deux minutes à des personnes se trouvant en sécurité dans un bus ne peut en aucun cas justifier de mettre les cyclistes en danger.
– Pour terminer, un paramètre semble avoir été oublié dans cette histoire… Si on veut des aménagements cyclables, c’est pour que davantage de personnes prennent le vélo plutôt que la voiture. Et s’il est peu probable que les gens qui remontent par Morre puissent le faire, c’est tout à fait envisageable pour ceux dont Rivotte est la destination. Et même si ce n’est que quelques voitures en moins, c’est toujours ça de moins dans le bouchon.
En conclusion, il est absolument possible et nécessaire de supprimer une voie sur le pont de Bregille pour remettre en place des aménagements cyclables.
Mais que fait la Ville de Besançon ?
(Crédit photo : Alexane Alfaro. Source : Macommune.info)
La ville n’est pas sourde à notre demande. Mais au lieu de remettre en place ces aménagements sans conditions, comme cela avait été promis par la précédente adjointe, la municipalité cherche à vérifier si c’est possible.
Et plutôt que de se baser sur les observations décrites ci-dessus et que tout un chacun peut faire en se rendant sur place aux heures de pointe, il a été décidé de procéder à un test plus simple :
On neutralise la voie de droite, et on compare : avant / après.
Au premier abord, cette méthode paraît pertinente.
C’est simple à mettre en œuvre et ça semble objectif.
Plus objectif que les affirmations des militants de l’AVB, pensez-vous peut-être (si vous n’êtes pas allé les vérifier sur place).
Sauf que…
Si vous avez une formation un minimum scientifique, vous avez sans doute appris que pour qu’une telle expérience par comparaison soit valide, il faudrait mettre en place un protocole expérimental permettant de garantir que tous les autres paramètres soient invariants entre les deux étapes de l’expérience.
Or, si cela est réalisable dans un laboratoire, cela ne l’est pas dans la vraie vie, avec de vrais automobilistes et de vraies rues.
Alors que fait-on, en sciences, lorsqu’on étudie un phénomène dans la vraie vie, par exemple en médecine ou en sciences humaines ?
On fait appel à la statistique, selon un principe simple : puisqu’un seul cas ne peut garantir une comparaison objective, on étudie donc un échantillon très important de cas et on regarde s’il y a une corrélation entre le paramètre qui nous intéresse et le phénomène qu’il est supposé engendrer.
Concrètement, cela veut dire que si la Ville de Besançon voulait faire un test qui ait un sens, il faudrait non pas comparer une soirée avant et une soirée après, mais un nombre significatif de soirées avant et de soirées après. Trois semaines, voire un mois, seraient un minimum.
Sans cela, tout peut arriver. Il est tout à fait possible que le jour du test avant, il y ait beaucoup de bouchons et qu’il y en ait peu le jour du test après, pour une raison non liée au test. Ce scénario serait très favorable aux cyclistes.
L’inverse est également possible : peu de bouchons avant, et d’importants bouchons après. Cela serait très défavorable aux cyclistes. Or, comme nous l’avons vu le jour de la manifestation, d’importants bouchons non expliqués avaient lieu ce jour là, sans lien avec le fait que nous ayons neutralisé la voie.
Les tests venant d’avoir lieu, et même si la Ville n’a encore rien communiqué officiellement, plusieurs informations nous laissent craindre que ce second scénario se soit effectivement produit.
Que se passera-t-il, si c’est le cas ?
Bien qu’insuffisante d’un point de vue scientifique, la méthode utilisée peut l’être politiquement. Le Maire peut très bien s’appuyer dessus pour choisir de ne pas rétablir les aménagements cyclables.
Dans ce cas, il nous faudra organiser de nouvelles manifestations jusqu’à obtenir gain de cause, et alerter peut-être la presse nationale (au moins celle spécialisée dans les transports) voire mener l’affaire devant la justice en utilisant la célèbre loi sur l’air.
Mais sans oublier de démontrer au public que nous avons raison. Cela est indispensable car imposer un rapport de force tout en retournant l’opinion publique contre nous ne nous aiderait pas à obtenir gain de cause.
À suivre…