S’il est un élément dont peut difficilement se passer le cycliste bisontin qui ne limite pas ses déplacements à la Boucle, c’est le dérailleur qui lui permet d’adapter le développement(1) aux changements de pente. Actuellement, les systèmes de changement de vitesse pour vélo se répartissent en deux catégories : le dérailleur classique avec ses pignons à l’arrière, et un ou plusieurs plateaux à l’avant, et les moyeux à vitesses où tout se passe « à l’intérieur » comme dans une boîte de vitesse de voiture. Dans les deux cas, le cycliste dispose d’un nombre fixe de rapports utilisables : une quinzaine avec un dérailleur classique à trois plateaux et de sept à dix pignons, de sept à onze avec moyeux à vitesses, voire quatorze avec le moyeu Rohloff, la Rolls du moyeu à vitesses à plus de 1000 €. Dans un article paru dans l’Est Républicain du 4 octobre, les lecteurs cyclistes ont pu découvrir l’invention de trois jeunes ingénieurs issus de l’ENSMM : un système de changement de vitesse « continu » appelé VariaPower, qui permet de régler finement le développement pour l’adapter aux circonstances (pente, vitesse et préférence de cadence de pédalage du cycliste), sans paliers prédéfinis. Ce système paraissant suffisamment « vélorutionnaire », l’AVB a décidé de dépêcher sur place (la Maison de l’Innovation à TEMIS) un envoyé spécial, qui a rencontré Cyril Clopet, l’un des trois ingénieurs à l’origine de cette invention.
Le produit a été conçu au départ pour une utilisation bien spécifique : la descente en VTT, une discipline où il est important de pouvoir rapidement faire varier fortement le développement y compris quand le cycliste appuie très fort sur les pédales pendant les relances, ce que n’apprécient guère les dérailleurs classiques à pignons.
Dans sa première version, il offrira une gamme de développement de 300 % (c’est à dire un rapport de 1 à 3 entre le plus court et le plus long), ce qui est comparable aux moyeux à sept vitesses et nous semble un peu juste pour une utilisation sur les collines bisontines, mais le principe du système permettra d’atteindre ultérieurement une variation de 600 %, ce qui est nettement supérieur aux meilleurs moyeu à vitesses existants. D’autre part, ce développement peut être étendu en conservant plusieurs plateaux à l’avant.
Le VariaPower s’installe simplement à la place de la cassette arrière, il sera compatible avec les roues libres Shimano et Campagnolo. Son poids (environ un kilo pour l’ensemble VariaPower + chaîne + plateau avant) est équivalent à celui d’un dérailleur classique. Il sera de plus compatible avec les vélos à assistance électrique, mais avec un bénéfice qui dépendra du système d’aide au pédalage (moteur dans le pédalier, ou dans une roue). La commande au guidon se fera avec un système classique de « gâchettes de pouce » ou de poignées tournantes, mais à plus long terme une variation automatique est envisageable.
À gauche, une vue du VariaPower monté sur un vélo. À droite, le système de dérailleur classique avec plusieurs plateaux et pignons
Pour nous cyclistes urbains, la variation continue du développement ne semble pas a priori un avantage spectaculaire, par rapport à un système classique bien étagé. Cependant, quelques aspects du VariaPower peuvent nous intéresser : la facilité de changement de vitesse même en plein effort en côte, l’absence d’entretien (le système est étanche et ne nécessite pas de rodage ni de remplacement de l’huile contrairement au Rohloff), le poids plus réduit que les moyeux à vitesses Rohloff ou Shimano Alfine, et comme sur ceux-ci l’absence de phénomène de croisement de chaîne qui limite le rendement et le nombre de rapports utilisables sur un dérailleur classique. Quant au rendement justement, il semble que l’article de l’Est Républicain soit allé au-delà de l’objectif des concepteurs, en citant le chiffre de 100 % (ce qui reviendrait à défier les lois de la physique) : celui du VariaPower devrait atteindre 98 %, ce qui est déjà très bon, et supérieur à celui des moyeux à vitesses.
La commercialisation du produit devrait démarrer en 2012, à l’issue de la phase de fabrication d’un prototype monté sur un vélo. Le prix n’est pas encore fixé, les coûts de production étant inconnus à ce stade. Mais la performance espérée du système le destine plutôt à l’équipement de vélos haut de gamme. Il a déjà été présenté dans des salons (Mondial du VTT, Eurobike) et certains grands constructeurs sont intéressés pour le proposer sur leurs vélos. En plus de cette distribution en « première monte », on devrait pouvoir le trouver chez des revendeurs et peut-être en vente directe. Même si la commercialisation ne concernera au début que le secteur du VTT, elle sera ensuite élargie à d’autres gammes de vélos.
L’AVB espère pouvoir disposer en prêt d’un VariaPower pour le tester, rendez-vous en 2012 pour vous faire partager nos impressions !
(1) dans le jargon technique cycliste, on appelle « développement » la distance parcourue pour une rotation complète du pédalier. Les « petits » développements sont utilisés pour monter les côtes (on « mouline »), et les grands développements en descente, pour aller vite. On parle également de « braquets » pour désigner chacune des combinaisons entre plateau à l’avant, et pignon à l’arrière, qui permettent de choisir la démultiplication de l’effort du cycliste.