Plaidoyer pour un urbanisme tactique

La crise sanitaire que nous vivons opère des changements radicaux sur l’espace public et notre rapport à la rue. La domination de l’espace par l’automobile nous frappe plus que jamais durant cette période de  forte réduction du trafic motorisé : cet espace n’a jamais été aussi excédentaire! Parallèlement, piétons et cyclistes ont, plus que jamais, besoin d’espace pour respecter les consignes de distanciation sociale. Trottoir et pistes cyclables doivent également accueillir celles est ceux qui évitent les transport en commun, tout.e.s n’ont pas de voiture.

Malgré ces changements, nombreux sont les automobilistes qui ne sont pas plus enclins que d’habitude à partager « leur » voie. Descendre du trottoir pour prendre ces distances avec les autres piétons, c’est s’exposer au risque de se faire renverser pour avoir empiété sur la sacro-sainte chaussée; quand bien même la largeur de la rue permettrait une coexistence paisible. Pire, la fluidification récente du trafic entraîne une augmentation des vitesses et le stationnement sauvage nous paraît encore plus décomplexé qu’à l’ordinaire; la tolérance à son égard, elle, semble se perpétuer.

Face à ces états de faits, de nombreuses villes comme  Bogota, Mexico, New-York, Berlin ou Calgary optent aujourd’hui pour un urbanisme tactique visant à redéfinir temporairement les usages. Des dispositifs simples et peu coûteux, tels que des plots, des barrières et des panneaux ont permis de tirer profit de l’espace libéré par le faible trafic routier pour déployer rapidement des kilomètres de pistes cyclables ou pour piétonniser de grands boulevards. L’erreur est permise car ces dispositifs éphémères, une fois évalués, sont faciles à réorganiser et, s’ils s’avèrent inopportuns, peuvent être supprimés du jour au lendemain.

Tweet du 9 avril dénonçant la recrudescence du stationnement sauvage dans la rue Battant, pourtant piétonne, pendant le confinement. crédit : @saltarrello

Si « nous sommes en guerre », il semble approprié que toute l’organisation sociale s’adapte à la crise et se donne les moyens de lutter efficacement contre la menace sanitaire. La rue ne doit pas faire exception! Aussi, nous vous enjoignons à faire usage de vos compétences en urbanisme pour agir en tacticien !

En particulier, notre demande porte sur un tronçon qui fait l’objet de demandes récurrentes de la part de nos adhérent-e-s, et qui ressort comme une priorité signalée dans la récente enquête Parlons Vélo : Le bas de la rue de Belfort.

Cette rue dispose en effet de deux voies de circulation automobile dans le même sens entre la place de la Liberté et l’avenue Carnot. La neutralisation d’une de ces deux voies ne poserait aucun problème de congestion dans le contexte actuel. La pression piétonne en revanche reste élevée en ces temps de confinement et les trottoirs de cette rue, qui en temps normal sont déjà sous-dimensionnés, sont incompatibles avec l’application des mesures de distanciation sociales. Enfin, la création d’une voie cyclable dans la direction Ouest-Est, permettrait de rejoindre les quartier des Chaprais, des Cras, des Vaites et de Palente depuis le centre gare.

Un ensemble de cônes et un marquages temporaires, comme ci-dessous, permettrait la création de ce contre-sens cyclable, qui plus est protégé par un dispositif physique. Le reste de l’espace réaffecté permettrait d’augmenter significativement l’espace piéton. La suppression du stationnement ne devrait pas poser de problème étant donné que les commerces sont fermés, que la pression est moindre, que le parking Isenbart à proximité est gratuit, et que le parking du casino des Chaprais est ouvert à tous.

Moins satisfaisante, mais néanmoins intéressante serait l’option de maintenir le stationnement, mais de le déplacer sur la chaussée, libérant ainsi l’intégralité de la largeur du trottoir. Il resterait alors environ 1m de large pour créer une bande cyclable temporaire permettant de remonter la rue. (Notons au passage l’ironie d’en être amené à devoir dessiner des pictogrammes piétons sur le trottoir.)

Plus largement, nous aimerions voir des initiatives de ce type se multiplier à travers toute la commune, partout où c’est possible, pour rendre la ville plus sûre mais aussi plus agréable en ces temps difficiles. De nombreuse solutions de voirie temporaires émergent à travers le monde pour faire face à cette situation, comme la suppression des boutons d’appel – qui posent un risque sanitaire et imposent une attente inutile aux piétons – la suppression des feux de voirie aux carrefours qui incitent à la prise de vitesse, la création de passages piéton temporaire en diagonal… Autant de dispositifs dont nous serions bien avisés de nous inspirer.

Besançon pourrait être la première ville de France à adopter l’urbanisme tactique. En effet, si cette pratique est déjà développée dans d’autres pays, la France ne s’en est pas emparé. Peut-être que différents services d’urbanisme de villes françaises sont intéressés, mais hésitent à proposer ce genre d’aménagement en l’absence d’antécédent sur le territoire. Besançon pourrait innover et servir de référence à l’échelle nationale!

Quelques liens sur le sujet:

https://blogs.alternatives-economiques.fr/vidalenc/2020/04/05/semaineconfinement3-ideespourapres-oser-l-urbanisme-tactique-pour-adapter-nos-villes-au-post-covid-19

https://usa.streetsblog.org/2020/04/08/how-to-open-streets-right-during-social-distancing/

https://usa.streetsblog.org/2020/03/30/as-roads-empty-to-covid-19-drivers-who-remain-are-speeding-up-heres-how-to-slow-them-down/

https://usa.streetsblog.org/2020/04/06/there-is-no-excuse-for-blanket-park-closures-during-covid-19/

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6 réponses à Plaidoyer pour un urbanisme tactique

  1. MÉCHET dit :

    Oui à la fin de la tyrannie automobile, déclenchée par le président Pompidou qui lui a ouverte les villes, d’autant que pour des problèmes de vision je vais être contraint à abandonner ma voiture pour (excusez-moi !), la trottinette électrique.
    J’ai toujours été étonné du surcroît de marche imposé aux piétons pour traverser un carrefour.
    À contraintes nouvelles solutions nouvelles, et bravo pour votre initiative.
    Par contre je signale, et je tiens cela d’une propriétaire de cette rue que, pour la municipalité, il n’existe aucun trottoir rue Battant, si ce n’est la bordure casse-g. devant la Salle Battant, fait qui lui a été signalé de longue date…

    • AVB dit :

      Bonjour,
      Merci pour ce retour positif.
      C’est notre impression également que la mairie ne considère pas les espaces latéraux de la rue Battant comme des trottoirs. Pour autant, le stationnement est interdit dans toute la partie piétonne de la rue. Il s’agit d’une zone de rencontre et tout stationnement en dehors des espace marqué à cet effet est interdit. La mairie n’a aucun droit de distribuer des passes-droit et des tolérances à l’égard du code de la route, au contraire elle doit être garante de son application.

      Nous soupçonnons qu’elle le fasse quand même, lui avons récement reproché dans un recours préalable.

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  4. JEANNIN dit :

    Rue de Vesoul par exemplaire, une seule piste cyclable dans la montée et descente aucune, prendre la piste déjà réalisée dans le sens inverse est interdit. Que faire, descendre sur la chaussée à côté des voitures qui roulent vite, grand risque, d’ailleurs un cycliste livreur a été renversé cette année.
    Pourrait on élargir le trottoir pour y faire une piste cyclable ?

    • Robert Panier dit :

      Bonjour,

      rue de Vesoul, la situation est très compliquée.

      Un aménagement sur trottoir n’est pas souhaitable, ni pour les piétons, ni pour les cyclistes. D’ailleurs, c’est interdit par la loi, ce que nous rappelons régulièrement à la ville sans être entendu. Strasbourg à déjà été condamné à refaire des aménagements sur trottoir.

      Dans l’état actuel des choses, la seule façon légale de descendre la rue de Vesoul à vélo, est bien sur la chaussée. C’est aussi la plus sûre : rouler sur un trottoir, c’est prendre un risque important pour les piétons et pour soi-même, pensez que quelqu’un peut sortir par une porte à tout moment. Rouler à contre-sens sur la bande cyclable c’est être amené à se déporter à sur la chaussée en cas de croisement : situation très dangereuse!

      Rouler sur la chaussée peut être intimidant, mais ce qui fait le plus peur, n’est pas forcement le plus dangereux. Les automobilistes derrière vous vous voient, et si certain-e-s s’impatientent, au moins vous ne les surprenez pas. En descente, le différentiel de vitesse avec les voitures est réduit, ce qui rend inutiles les dépassements. Si vous ne voulez pas prendre de vitesse, ne le faite pas, c’est un choix sain et raisonnable. Souvenez vous que vous êtes légitime sur la chaussée, cette voie n’est pas réservée au seules voiture et il va falloir apprendre à partager la route. Souvenez-vous aussi, que ce sont les cycles de feux qui déterminent la vitesse moyenne des véhicules, vous ne ralentissez pas, ou très peu, les voitures en roulant à 20km/h dans la descente.

      Si prendre la chaussée vous est impensable, reste les options de descendre à pied ou de faire un détour.

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