Voici un article qui nous vient de Copenhague, et qui pointe du doigt d’une façon très juste la différence de mentalité entre un pays (ou une ville) avec une culture cycliste développée, et un pays (ou une ville… comme la notre) où elle est inexistante ou presque.
Comme l’article original est en anglais, en voici une traduction.
NB : cette traduction ne se veut pas fidèle à 100% à l’article original, mais plutôt à ce qu’il veut exprimer. Par exemple, j’ai pris la liberté de remplacer certaines expressions par des expressions équivalentes effectivement rencontrées sur la blogosphère francophone (par exemple vélotaffeur) plutôt que de les traduire mot à mot.
Si l’on parcourt un peu la blogosphère cycliste, le nombre de termes que l’on rencontre pour désigner ce qui n’est, finalement, qu’une activité très simple, paraît fou.
Est-ce le résultat d’une tendance vieille de plusieurs dizaines d’années, en Amérique du Nord et dans d’autres pays sans culture cycliste, à considérer principalement le cyclisme comme un sport, un loisir réservé à une minorité de passionnés, et non pas comme un simple et raisonnable moyen de locomotion ? Peut-être. (NDT : Besançon et la majeure partie du territoire français peuvent être inclues dans cette catégorie.)
Mettons les choses au point, si vous le voulez bien. Ce que vous voyez sur la photo ci-dessus, prise à Copenhague, est ce qu’on appelle une cycliste.
Pas une vélotaffeuse, pas une cycliste utilitaire, et encore moins une conductrice de véhicule léger et écologique à propulsion humaine. Juste une cycliste.
Cette Copenhaguoise n’est pas en train de vélotaffer (ou en tout cas elle n’appelle pas ça comme ça). Elle n’est pas non plus en train de faire une balade à vélo et n’a pas l’intention de faire de grands discours sur ses convictions concernant la réduction des émissions de CO2 et les moyens de déplacement durables en agglomération.
Elle part juste au travail. Sur son vélo.
C’est ce qu’elle utilise. Un vélo. Un cykel, en Danois.
Elle ne l’appelle pas mon vélo de ville, ni mon moyen de déplacement alternatif, ni mon vélo Hollandais (peu importe ce que cela signifie, d’ailleurs… même les Hollandais n’appellent pas ça un vélo Hollandais, sans parler des dizaines de millions de Chinois). C’est juste son vélo.
Quand elle a acheté son vélo au magasin du coin, elle n’est pas allée chercher un équipement de professionnel. Elle est sans doute entrée dans le magasin et a dit « Je voudrais un vélo ». L’employé lui a probablement dit « Il vous faut un 52 cm » après l’avoir regardée de haut en bas dans un haussement d’épaules.
« J’aimerais le noir, ici…
– C’est un 52 cm.
– Parfait. C’est combien ? »
Puis elle est sortie avec son nouveau vélo. Il ne lui a pas proposé d’accessoires innovants et chers. Il ne l’a pas embrouillée avec un jargon technique incompréhensible pour lui faire dépenser plus d’argent. Il n’a même pas de vêtements de vélo dans son magasin. Il suppose qu’elle a des vêtements dans ses armoires à la maison… Un bonnet pour l’hiver, une robe d’été pour… heu… l’été. Elle avait besoin d’un vélo. Il travaille dans un magasin de vélos. C’était fait en 20 minutes. Par contre il lui a certainement ajusté la selle.
Elle a choisi un vélo noir, probablement d’une bonne et fiable marque Danoise comme Kildemoes ou Taarnby. Ce n’était certainement pas un TerraTurbo Urban Warrior X9000. C’était juste un vélo. Son nom n’est pas important pour elle. Elle veut juste qu’il roule bien.
Elle ne sait pas combien il pèse. Elle ne connaît et n’a jamais rencontré une seule personne qui sache dire le poids de son vélo. Elle ne sait pas non plus combien de kilomètres elle parcourt chaque jour. Cela ne l’intéresse pas. Elle pédale à son rythme, suffisamment tranquillement pour ne pas transpirer, et ses trajets sont plutôt agréables. Elle aime l’air frais, et croise souvent ses amis sur les pistes cyclables. Elle aime passer entre les lacs et voir les changements de saisons. Cela suffit.
Elle ne se lève pas en prenant la décision d’aller au travail à vélo aujourd’hui. Cela fait partie de sa vie quotidienne. Elle sort juste de son appartement et monte sur son vélo. S’il est crevé, elle le poussera jusqu’au magasin le plus proche pour le faire réparer, et partira au travail en bus ou en train. Elle le récupèrera dans l’après-midi.
Ce n’est pas une activiste, elle n’adhère pas à une association de cyclistes avec un long acronyme, et elle ne pense même pas au fait d’appartenir à quelque chose qu’on appelle une culture cycliste.
C’est juste une cycliste. Qui va au travail à vélo.
Elle fera pareil demain.
Si les autres villes avaient plus de cyclistes de ce genre, leur culture cycliste se développerait beaucoup plus vite.
Commentaires :
Effectivement, si chez nous il y avait plus de cyclistes de ce genre, il y aurait une vraie culture vélo. Et à l’inverse, s’il y avait une vraie culture vélo, il y aurait plus de cyclistes de ce genre…
La clé du problème est dans le fait d’arriver à faire monter sur un vélo des gens, non pas qui aiment le vélo, mais qui ont juste besoin d’aller d’un point A à un point B.
Pour cela, des pistes sont connues et leur efficacité est prouvée : mettre le vélo à disposition des gens facilement (par exemple avec VéloCité), le rendre visible partout (par exemple avec des parkings à vélo placées là où on les voit, et largement dimensionnés), et surtout simplifier son usage par des aménagements cyclables sûrs, directs, et efficaces.
Souvent, les aménageurs que nous rencontrons (élus, techniciens…) donnent l’impression de croire que nous demandons des aménagements cyclables pour nous, les cyclistes. Ils se trompent complètement. Certes, les aménagements obtenus nous facilitent la vie (enfin, en principe…), mais nous les demandons avant tout pour que les gens qui ne font pas encore de vélo, ou pas beaucoup, puissent avoir un jour l’idée d’en faire, ou l’envie d’en faire plus.
Et c’est pour cela qu’on nous faut des aménagements sécurisés, mais aussi directs, efficaces et visibles. Pas simplement des aménagements qui puissent satisfaire tant bien que mal celui qui a déjà décidé de faire son trajet à vélo, mais aussi et surtout des aménagements qui puissent amener monsieur et madame Tout-le-monde à prendre la décision de monter sur son vélo.
Peut-être que chaque élu et technicien devrait imprimer cet article et le lire chaque jour jusqu’à être certain d’en avoir saisi la substantifique moelle…