L’été dernier, une zone 30 a fait discrètement son apparition aux Chaprais. Discrètement, le terme n’a pas été choisi au hasard : en effet, la signalisation semble se contenter du minimum légal, alors qu’on aurait aimé voir quelque chose de plus visuel.
Trois mois environ après la mise en place de cette nouvelle zone, et suite à un changement notable dans sa rue la plus circulée, nous allons en faire le bilan et mettre en avant les points positifs (car il y en a), ainsi que les points négatifs ou restant à améliorer.Tout d’abord, situons cette zone sur une carte.
Les deux axes principaux de la zone 30 sont la rue de l’Église (axe principal pour la vie locale et les circulations non motorisées) et la rue Édouard Baille (trafic motorisé important, et également nombreux piétons et cyclistes). S’ajoutent à ces deux axes la rue du Pater et la rue du Repos (du haut jusqu’à la rue des deux Princesses), qui sont des rues tranquilles, et une petite partie de la rue des Jardins au débouché de la rue Baille.
La zone ne comporte aucun commerce, mais une population non négligeable et quelques lieux fréquentés qui sont l’Église, le parc, la salle des ventes, l’école (importante) et une salle paroissiale.
Les vitesses pratiquées par les véhicules sur les deux axes principaux sont globalement plus proches de 50 que de 30, et la mise en zone 30 n’a pas vraiment changé cela.
Cette vitesse excessive n’est pas très perturbante sur la rue de l’Église, car la circulation y reste relativement faible. On y voit de nombreux cyclistes (la rue est plate), et les piétons traversent la chaussée sans difficultés. Mais elle pose plus de problèmes rue Édouard Baille. La pente incite les automobilistes à accélérer, ce qui défavorise les cyclistes et pose des problèmes de sécurité à la sortie de l’école.
La zone est également concernée par le stationnement sauvage, en particulier rue de l’église à l’occasion des ventes aux enchères et rue Baille pour le dépôt des enfants à l’école. Le premier cas ne pose pas de gros problème et apaise au contraire la circulation. Le second cas, en revanche, pose d’importants problèmes de sécurité et constitue une gêne pour les riverains.
Voilà pour le décor.
Venons-en maintenant à ce qui nous concerne le plus : les double-sens cyclables :
Rue de l’Église :
Seul le tout début de la rue était à sens unique. Il est dorénavant passé en DSC, ce qui est un gros progrès car ce sens unique empêchait les cyclistes de rejoindre légalement la rue de Belfort, alors qu’aucun obstacle technique ne s’y opposait. La largeur de la rue permettait en effet de l’emprunter à contresens puis de traverser la station service débouchant sur la rue de Belfort.
Une bande cyclable a été tracée, qui légalise exactement ce parcours puisqu’elle aboutit sur la station service. C’est donc plutôt bien.
Mais il aurait été possible de faire encore mieux en réaménageant le carrefour avec une réelle prise en compte des cyclistes. En effet, s’insérer sur la rue de Belfort n’est pas facile à certaines heures, et le fait d’avoir arrêté la bande si tôt contraint les cyclistes se rendant au parc (dont de jeunes enfants) à poursuivre à contresens sur la chaussée principale, sans aménagement.
Mais évidemment, un tel réaménagement n’aurait pas eu le même coût que ce qui a été réalisé.
En tout cas, dans l’immédiat, nous souhaiterions ne plus avoir à franchir entre la chaussée et la station une bordure de plusieurs centimètres de haut, ni un panneau de sens interdit qui n’a rien à faire là. Ces deux éléments auraient dû être traités (en concertation avec le propritaire de la station en ce qui concerne le panneau) en même temps que la réalisation de la bande cyclable.
Par ailleurs, nous aimerions que le nécessaire soit fait pour que le passage ne puisse pas être obstrué par des véhicules en stationnement.
En conclusion pour cette rue : c’est très bien de l’avoir mise en DSC, mais quelques détails sont à revoir à court terme, et on aimerait à long terme un aménagement un peu plus ambitieux.
Rue du Repos :
Elle est elle-aussi passée à double sens pour les cyclistes, et cela constitue un vrai progrès car toute sa longueur est concernée (y compris hors de la zone 30) depuis le Boulevard Diderot. C’était une demande que nous voulions formuler, et nous n’aurons donc pas besoin de le faire !
Avec la mise à double-sens de l’avenue Fontaine-Argent, cette rue constitue un itinéraire intéressant pour remonter du centre-ville. Malheureusement, cet aménagement se contente encore une fois d’une signalisation minimaliste (panneaux et logos) là où nous aurions aimé bénéficier d’une vraie protection au niveau des intersections. Résultat : un aménagement où l’on ne se sent pas à l’aise. Surtout entre l’avenue Fontaine-Argent et la rue des Deux Princesses, où c’est étroit, mais aussi lors de la traversée de cette dernière, qui est une large avenue à sens unique. Au final, très peu de cyclistes osent remonter cette rue alors qu’elle constitue un itinéraire réellement intéressant.
Les photos suivantes montrent le trajet d’un cycliste qui remonte la rue :
On commence par s’engager depuis l’avenue Fontaine-Argent. Là, on remarque qu’il est souvent délicat de s’engager car les automobilistes en face n’ont pas vraiment tendance à serrer à droite. La plupart d’entre eux ne remarque même pas les pictogrammes vélo au sol, et encore moins le panneau réglementaire pourtant bien présent à l’autre bout et visible sur la photo suivante. Visible sur la photo, oui, mais pas assez visuel pour être remarqué par un automobiliste arrivant à près de 50 km/h.
Pourtant, on voit sur cette photo que l’entrée de la rue est large. Il aurait été possible d’y tracer un bout de bande cyclable voire même de poser un petit îlot matérialisant la présence de cyclistes à contresens. Pourquoi n’avoir pas traité l’entrée de la rue au moins comme celle de la rue Lecourbe au centre-ville ?
Une fois engagé, on circule sans encombre. Les conducteurs en face ne semblent toujours pas comprendre qu’on est dans notre droit, mais en nous voyant en face ils ralentissent et serrent à droite. On en a même vu s’arrêter pour nous céder le passage !
Cela illustre le principal argument en faveur des double-sens cyclables : dans une rue étroite, il est moins dangereux de croiser une voiture que de se faire doubler par elle. Pour ceux qui en doutaient, l’étroitesse de la rue ne pose aucun problème. C’est vraiment le manque de marquage au sol à l’entrée, et lui seul, qui fait défaut.
On arrive donc au croisement avec la rue des Deux Princesses.
Dans le sens descendant, croiser cette rue est une formalité. Dans le sens montant il vaut mieux appuyer sur les pédales et ne pas traîner. En effet, les vitesses pratiquées y sont élevées et la visibilité médiocre. Il ne serait pas inutile de faire ralentir les automobilistes à l’approche de ce carrefour.
Méfiez-vous également des automobilistes arrivant en face et souhaitant tourner à leur gauche (donc à votre droite). Ils voudront démarrer, comme vous, lorsque la rue des Deux-Princesses sera libre, et leur trajectoire devra couper la votre. En principe, vous êtes prioritaire, mais ils n’y penseront pas forcément.
D’ailleurs, si on veut appliquer le code de la route à lettre, vous êtes même prioritaire sur la rue des Deux-Princesses, puisque vous arrivez à la droite de cette dernière et vous n’avez aucun « Cédez le passage » ni « Stop ». Mais nous ne vous conseillons ici de bien faire la différence entre théorie et pratique…
Une fois le carrefour franchi, c’est plus simple.
On remonte cette fois le long du cimetière. Ici, on dispose d’une largeur très confortable pour croiser les automobilistes venant en face. Tout se passe bien… jusqu’au prochain croisement.
Ici, le joli petit logo ne sert pas à grand chose : le mur empêche toute visiblité, et certains automobilistes arrivant de la droite coupent le virage. Méfiance ! Si on est prudent, cela se passe bien, mais soyez-le bien. Il aurait là encore fallu mettre quelque chose (Un bout de bande ? Un petit îlot ? Une quille ?) pour éviter cela.
En bref, c’est une excellente chose d’avoir mis cette rue en DSC, et ces critiques n’ont surtout pas pour objectif de faire machine arrière. Mais l’aménagement des intersections mériterait vraiment d’être amélioré. À titre de comparaison, les aménagements dans la zone de rencontre du centre-ville sont plus visuels et plus aboutis, alors que la circulation y est apaisée et les cyclistes nombreux donc bien pris en compte.
Rue Édouard Baille :
Le bas de la rue, en dessous de la rue de l’Église, était à double sens. Le haut était à sens unique montant. Cela n’empêchait pas de voir de nombreux cyclistes la monter ou la descendre sur toute sa longueur, sur la chaussée ou sur le trottoir. Il faut noter qu’il était beaucoup moins désagréable et dangereux de la descendre (même sur la chaussée dans la partie interdite) que de la monter, car il est toujours moins dangereux de croiser des voitures dans une rue étroite que de se faire doubler par elles (comme nous l’avons déjà dit).
La mise en zone 30 n’a rien changé à cette situation, car la partie à sens unique est restée à sens unique pour les cyclistes. Motif invoqué : des raisons techniques, et un prochain changement de sens de la rue pour faire passer une ligne de bus déviée par les travaux du tramway.
Le changement de sens en question a eu lieu dimanche 6 novembre. Durant la journée, la rue a été totalement barrée à la circulation, le temps de modifier la signalisation horizontale et verticale. Le soir, elle était réouverte, à sens unique descendant sur toute sa longueur.
Pour les cyclistes, qu’est-ce que cela change ?
Tout d’abord, on a enfin le droit de la descendre sur toute sa longueur, et c’est un gros progrès. On circule bien entendu avec le reste du trafic, mais ce n’est pas très dérangeant car cela descend et le nouveau trafic est plus faible que l’ancien.
Ensuite, c’est également beaucoup plus facile de la monter, puisqu’on ne fait plus que croiser le trafic motorisé. Fini les dépassements frôlants ! Le bas de la rue, même avec les places de stationnement qui y ont été ajoutées, offre une largeur très confortable pour croiser des véhicules, y compris des bus. Le haut offre un peu moins de largeur, mais ça passe. D’autant plus que les places de stationnement sont la plupart du temps vides (en dehors des heures de sortie d’école), ce qui rend le croisement aisé. Les riverains ont en effet tous des places de stationnement privées ou des garages, voire les deux.
Dans la pratique, ce changement de sens est donc un gros progrès pour les cyclistes. Mais il reste un problème de taille : le double-sens cyclable n’est pas autorisé ! Autrement dit : on avait le droit de remonter cette rue lorsque c’était dangereux, mais on ne l’a plus alors que ça l’est moins. Le paradoxe est remarquable !
On peut penser que l’on a hésité à autoriser le DSC sur le haut de la rue, en considérant que l’insertion sur la rue de Belfort était dangereuse… Mais ce problème aurait pu se résoudre facilement en installant un feu spécial vélos là où les anciens feux ont été supprimés. D’autant plus que les feux de la rue de Belfort ont été conservés pour la traversée des piétons.
Ont peut aussi imaginer que l’on a hésité, toujours sur le haut de cette rue, à cause de sa largeur. Mais là encore, la réponse existe : d’une part, cette largeur est suffisante pour croiser. D’autre part, si elle ne l’était pas, on pourrait gagner en largeur en supprimant les places de stationnement dont les riverains ne sont pas demandeurs, et qui sont largement compensées par celles créées sur le bas de la rue.
Dans tous les cas, on n’imagine même pas ce qui a pu motiver à ne pas créer de DSC sur le bas de la rue, qui est vraiment très large.
Conclusion :
Le titre de cet article est légèrement provocateur en parlant de zone 30 au rabais, mais c’est néanmoins l’impression que l’on a. Dans les grandes lignes, c’est un aménagement très pertinent puisque ce quartier méritait vraiment de passer en zone 30. Mais dans la pratique, la réalisation n’est pas assez soignée, par manque de signalisation et de souci du détail…
De plus, nous sommes vraiment mécontents de l’absence de double-sens cyclable sur la rue Baille depuis sa récente modification, ce qui revient à interdire aux riverains (dont plusieurs sont cyclistes) de rentrer chez eux à vélo, à interdire aux gens d’amener leurs enfants à l’école à vélo (tout en créant de nouvelles places pour ceux qui le font en voiture) et à supprimer un itinéraire intéressant pour les cyclistes en général ! Autrement dit : on régresse.
Précisions de la part de l’auteur de cet article :
Je suis cycliste et riverain de la rue Baille depuis plusieurs années. D’où une bonne connaissance de la zone et de ses petits détails. Globalement, je n’ai pas pour but avec cet article de cracher dans la soupe : je suis content que la zone soit passée à 30. Cela va dans la bon sens. Depuis que l’avenue Fontaine-Argent est à double sens et la rue du Repos en DSC, j’ai un itinéraire pour rentrer chez moi qui est très correct, alors que précédemment je devais passer par Carnot et et la rue de Belfort à contresens sur le trottoir.
Simplement, je déplore qu’on n’ait pas fait les choses jusqu’au bout : la plupart des cyclistes que je connais n’osent pas monter la rue du Repos car ils s’y sentent en danger. Je n’ai, à vrai dire, jamais vu un autre cycliste que moi la monter. Ceux à qui j’ai demandé pourquoi m’ont indiqué soit le sentiment d’insécurité en traversant la rue des Deux-Princesses, soit une sensation que les automobilistes ne s’attendaient pas à nous voir arriver en face, par manque d’une signalisation visuelle. J’avais d’ailleurs moi-même discuté du problème avec les gens qui peignaient la signalisation horizontale, mais cette discussion n’a pas eu de suite.
Dans ces conditions, il est d’autant plus dommage de n’avoir pas mis de DSC rue Baille, qui constitue pourtant un itinéraire alternatif à celui-ci et sans les défauts cités.
Pour terminer, vous vous dites sans doute que j’avoue publiquement dans cet article avoir monté la rue Baille en sens interdit depuis que son sens de circulation a été modifié. Mais méfiez-vous des conclusions hâtives !
J’ai juste dit qu’il était moins dangereux d’être croisé que d’être dépassé, ce qui est une vérité générale vérifiable dans n’importe quelle autre rue, et que la largeur de la rue permettait de croiser des voitures, ce qui était aisément vérifiable dimanche soir et lundi matin en roulant rue Baille dans le bon sens de circulation puisque la moitié des voitures qui passaient dans la rue étaient à contresens ! Les photos qui suivent ont été prises dans un intervalle de moins de cinq minutes, un peu avant 8h30.
Une voiture vient d’arriver à contresens et de se garer pour déposer un enfant…
… puis une autre…
… encore une…
En voici cette fois une qui monte depuis le bas…
… puis deux autres pendant qu’une autre descend dans le bon sens. Heureusement que les places de stationnement n’étaient pas encore occupées.
En vérité, on ne modifie pas comme ça les habitudes des conducteurs ! La quasi-totalité des conducteurs, lorsqu’ils connaissent un itinéraire, ne regardent pas la signalisation verticale, sauf quand elle paraît nouvelle. D’où l’intérêt d’utiliser des panneaux de chantier plutôt que des panneaux classiques. Or, ici, des panneaux classiques ont été mis en place sur des poteaux existants, sans utilisation provisoire de signalisation de chantier. De plus, ces panneaux ne sont pas forcément très visibles selon la direction de laquelle on vient.
Ci-dessous, le panneau de sens interdit en bas de la rue, lorsque l’on arrive en descendant la rue des Jardins. Il est quasiment invisible, car il est tourné en direction du bas de la rue (alors que les automobilistes arrivant du bas ont déjà une forêt de quilles qui les empêche de tourner à gauche).
Un automobiliste pouvait donc être largement engagé dans la rue avant de réaliser qu’il était dans un nouveau sens interdit !
J’ai moi-même téléphoné au médiateur des travaux afin de lui demander de faire intervenir la Police Muncicipale, ayant peur qu’un accident se produise. Apparemment je ne suis pas le seul à l’avoir fait, et cela a été suivi d’effet. Elle était présente aux alentours de 9h le lundi matin. Mais cela faisait quand même plus d’une heure que je voyais monter des voitures, quelques petits camions, et même un grand car de 50 places.
J’ai également demandé que la signalisation soit renforcée au bas de la rue. Cela a été fait le mardi par l’ajout de panneaux de chantier en plus de la signalisation déjà posée. Cela a semblé porter ses fruits puisque depuis on voit beaucoup moins de voitures monter à contresens. Attention : beaucoup moins ne veut pas dire zéro. J’ai encore vu deux véhicules à contresens en 30 minutes le mercredi matin (dont le même car de 50 places au sujet duquel je me pose sérieusement des questions) et encore au moins une voiture aujourd’hui samedi.
J’ai également fait remarquer au médiateur l’absence de double-sens cyclable, mais pour l’instant il n’y a pas eu de suites. J’espère qu’il y en aura. En effet, cette inversion de sens semble être en place pour un certain temps, et il n’est donc pas logique que cette situation qui met les cyclistes dans l’illégalité perdure.