L’AVB a co-rédigé, avec Alternatiba Besançon, Beure respire, FNE Doubs et Trottoirs libres, une réponse à l’enquête publique qui s’est terminée le 31 mars.
Voici ce que nous avons envoyé :
Enquête publique sur le projet d’aménagement de la RN 57 à Besançon
Contribution du collectif « RN + 5,7° pour une autre mobilité »
Cette contribution a été élaborée avec l’ensemble des associations qui composent le collectif “RN +5,7° Pour une autre mobilité”.
Ce projet présente un manque d’analyses sérieuses pour des alternatives :
Cela contrevient totalement à la partie première de la séquence « Eviter, Réduire, Compenser ». Ce manque a d’ailleurs été relevé dans l’avis de l’Autorité environnementale (Ae) auquel le Maître d’ouvrage a fourni des réponses qui nous paraissent insatisfaisantes. La réalisation de ce projet peut et doit-être évitée, en réduisant le trafic sur la RN 57 plutôt que de le fluidifier par des investissements coûteux, inutiles et nuisibles sur le moyen et long terme.
Ainsi dans les alternatives qui auraient pu être mieux étudiées, si ce n’est qu’elles n’ont même pas été envisagées :
- Des poids lourds (PL) qui doivent rester sur l’autoroute :
La surabondance des PL sur cette portion de route vient du fait que ces derniers shuntent les autoroutes A36 et A39 entre Besançon et Poligny, ceci dans les deux sens. En effet, le trajet par l’autoroute entre ces deux communes étant plus long en kilométrages et payant, les chauffeurs routiers préfèrent la quitter provisoirement, pensant sans doute réaliser ainsi un peu d’économies pécuniaires sans trop de perte de temps. Pour cela ils doivent emprunter la RN 83 mais aussi la partie bisontine de la RN 57, celle qui nous préoccupe du fait des encombrements limités à certaines heures et auxquels ces PL contribuent largement.
Il nous paraît aberrant qu’aucune solution ne soit trouvée pour que ces PL restent sur l’autoroute et évitent d’encombrer des dessertes locales qui sont inadaptées pour un tel trafic (En aucun cas, il ne faut d’ailleurs adapter les RN 57 et RN 83 pour le passage des PL ; cela créerait, en effet, un appel d’air supplémentaire alors que l’autoroute existe déjà). Ainsi, la côte de Larnod est particulièrement instable et fragile ; Le trafic de PL fait déjà prendre des risques d’affaissement et rend cette zone très accidentogène et source de dépenses inconsidérées pour son entretien.
Le passage de ces PL entraîne également des nuisances importantes sonores et de pollutions ainsi que de l’insécurité dans les villages traversés (Récemment encore, le 9 mars 2022, un PL s’est renversé à Besançon, bloquant la circulation sur la RN 57 pendant des heures). Ainsi, une association « Bonne Route » a été créée afin de protester contre cette surcharge routière évitable.
Ces travaux, ayant pour but principal de fluidifier le trafic, créeront du coup un appel d’air qui risque d’augmenter encore le flux de PL. Il y a un fort risque qu’au niveau de la RN 57, ce flux, ajouté à la circulation pendulaire qui augmentera aussi, continuera à bloquer les deux, puis trois ronds-points prévus.
Nous sommes persuadés que si ces milliers de PL journaliers en grand transit, dont les circulations sont très impactantes, étaient réaffectés sur l’autoroute proche (il s’agit d’une responsabilité préfectorale pour la protection des populations), une fluidité relative serait retrouvée et permettrait ainsi d’éviter un tel investissement d’argent public et l’aggravation inéluctable du phénomène. Une étude indépendante de la maîtrise d’ouvrage sur cet aspect est sans doute indispensable avant d’engager un tel projet.
89% des camions utilisent la route en France (seulement 9% des marchandises transitent par le chemin de fer et 2,3% par voie d’eau) contre 75% en moyenne en Europe (et respectivement 18 et 5,5%). Nous sommes donc très en retard en France ; notre fret ferroviaire et fluvial est deux fois moins développé que la moyenne européenne comme l’a récemment souligné la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Un train peut transporter l’équivalent du chargement de 40 PL et émet 9 fois moins de CO². Il est inimaginable que les projets de halte ferroviaire derrière l’hôpital Minjoz ne soient pas même considérés dans les plans de mobilité de la région Bourgogne – Franche-Comté.
- Développer et encourager les modes alternatifs à la voiture individuelle :
Dans chacune des communes des réunions publiques devraient être programmées pour repenser la mobilité au niveau du voisinage.
Covoiturage :
Pour les personnes dont le recours à la voiture paraît indispensable, le covoiturage est à encourager fortement. C’est en effet déjà par une réduction de l’autosolisme que nous pourrons réduire de façon importante le trafic automobile.
Une planification des parkings relais pour faciliter les covoiturages doit-être mise en place au niveau des collectivités locales, des communes à la région, voir au-delà (exemple : Liaison avec la Suisse pour la RN 57). Ainsi, les premiers retours sur l’utilisation du parking covoiturage de la Vèze, mise en place par le Grand Besançon, indiquent que les usagers sont prêts à s’emparer de cette possibilité. Certains de ces parkings pourraient aussi être multimodaux et reliés à des transports en communs et pistes cyclables. La commune de Saône située sur le plateau juste avant la descente sur Besançon, en bordure de la RN 57, avec de plus le passage de la voie ferrée venant de la Suisse, pourrait constituer ce genre de carrefour multimodal stratégique.
Serait-il possible dans les portions à 2 voies existantes de réserver une voie pour les covoitureurs et/ou les transports en commun ? Cette question mériterait une étude, notamment pour la voie des Mercureaux.
- Un renforcement significatif des transports en commun aurait dû être étudié :
En se basant sur les bassins de vie et d’emploi de Besançon, il serait important de renforcer les lignes de transports en commun entre les bourgs les plus importants et la ville de Besançon. Pour ne citer que quelques-uns susceptibles d’apporter du trafic sur la RN 57 à Besançon : Quingey, Ornans, Pontarlier, Valdahon, en y ajoutant les villages sur les parcours. Rappelons qu’un autocar pourrait remplacer une cinquantaine de voitures en autosolisme. Comme évoqué auparavant, la ligne de chemin de fer reliant Besançon à la Suisse est un axe important. La région vient de remettre le réseau à neuf mais il serait nécessaire d’améliorer le cadencement des trains en y ajoutant des portions de croisement sur cette ligne à voie unique. Il faut doubler les voies de chemin de fer plutôt que les routes.
Déjà 3 axes routiers desservent la ville depuis le plateau : La RD 571 par la côte de Morre pour le Centre, le Sud et L’Est de la ville et 2 autres pour le Centre et l’Ouest, soit la voie des Mercureaux RN 57 et la RN 83 par la côte de Larnod. Pour éviter les encombrements à certaines heures et à proximité de la ville, il serait judicieux d’étudier un renforcement ou la création de transports en commun uniquement pour ces dessertes depuis le plateau et qui relieraient des parking relais situés aux voisinages de Saône et Larnod avec des navettes fréquentes, particulièrement aux heures de pointes, aux lieux d’activités de la ville. Planoise et les zones industrielles et commerciales de l’Ouest et du Nord bisontins devraient être mieux desservis par bus directs depuis le plateau afin d’alléger la circulation sur la RN 57. Le projet de Halte ferroviaire dans l’Ouest bisontin semble bien vite écarté.
- Le développement des modes actifs et surtout de la pratique du vélo devrait également participer à la limitation du trafic automobile.
Ainsi, avec des vélos électriques (ou pas), certains n’hésitent plus à affronter les côtes de Morre ou Larnod pour se rendre à Besançon. Il faut encourager cette tendance par l’aménagement d’itinéraires sécurisés.
- Une sobriété choisie des déplacements :
Il pourrait en aller ainsi pour certains trajets auxquels il serait possible de renoncer par une organisation repensée à un niveau individuel et/ou social permettant de rationaliser certains déplacements, par exemple en partageant sa voiture. Ainsi, de nombreux trajets peuvent être évités (non-retour au domicile à la pause déjeuner, télétravail, groupements des achats, des démarches, des visites…). Or, en dépensant de grosses sommes d’argent public pour garantir le confort des trajets en voitures, on supprime les incitations à ces démarches de rationalisation.
- Une planification rationnelle des déplacements à l’échelle du Grand Besançon :
Établissement de plans de déplacements d’entreprises avec des horaires différenciés de prises et sorties du travail qui permettant d’étaler les flux de circulation sur de plus grandes amplitudes horaires afin de réduire les encombrements ponctuels à certaines heures.
Extraits de l’avis de l’Ae concernant le manque d’études des alternatives :
« Selon le maître d’ouvrage, aucune tentative n’a été faite pour aménager les plans de circulation en vue de décourager ces stratégies d’évitement. Aucun aménagement de réduction de la vitesse sur la voie n’a non plus été jusqu’ici prévu pour tenter de fluidifier le trafic et de réduire la congestion, ni de développer des itinéraires permettant l’usage de modes de déplacement alternatifs à la voiture. »
« Aucune variante n’a porté sur l’ensemble du projet, en envisageant par exemple des hypothèses de restriction de capacité des tronçons à 2 x 2 voies et un traitement approprié des plans de circulation des alentours, ou une incitation à une utilisation des modes actifs par des investissements appropriés. »
« Le dossier ne comprend dès lors aucun scénario de référence au sens du code de l’environnement et les variantes se limitent à envisager différentes possibilités pour une option unique d’aménagement. »
« … aucun plan de circulation y dissuadant le trafic de transit n’est prévu à ce stade. »
Des études sur une échelle de territoire insuffisamment large:
De l’avis de l’Ae :
« … Le réaménagement […] ne s’insère pas dans une ambition urbaine élargie et l’étude d’impact analyse les incidences sur un périmètre trop réduit pour être pertinent … »
La communication autour de ce projet donne à penser que son fondement réside avant tout dans l’idée de terminer la mise en 2 X 2 voies du « maillon manquant ». Comme aveuglé par cet objectif, qu’il semble considéré comme une fin en soi, le maître d’œuvre néglige les conséquences d’une telle infrastructure sur l’ensemble du secteur, voire sur l’ensemble de la ville et de l’agglomération. En illustre le fait qu’aucun plan global de circulation ne soit envisagé.
Selon nous, cet entêtement à vouloir terminer un projet commencé il y a des décennies, caduque avant même qu’il ne soit achevé, ne suffit en rien à justifier la mise à 2 x 2 voies de ce tronçon. Cela tend à l’obstination !
Rappelons de plus qu’il existe encore beaucoup de portions de la RN 57 qui ne sont pas en 2X2 voies. Ainsi, une enquête publique pour le tronçon reliant Pontarlier à la Suisse est en cours aux mêmes dates. Rappelons également que l’enquête publique sur le projet de déviation de Vesoul a débouché sur un avis défavorable et sonné l’arrêt du projet.
Pour le tronçon qui nous occupe ici, non seulement les études d’état des lieux auraient dû se baser sur un territoire beaucoup plus vaste, mais il en va de même aussi des études d’impacts. En effet, ce projet, s’il se réalise, entraînera des conséquences à une échelle largement supérieure à ces 3 kilomètres et leur voisinage immédiat. C’est ce dont nous parlerons dans les paragraphes suivants.
Un projet justifié par des chiffres sur l’évolution du trafic contestables :
Les documents présentés indiquent une stagnation et une décrue progressive « de l’ordre de 1% par an depuis 2016 » du trafic VL. Pour autant les simulations retenues pour la période 2012-2050 sont de +1,1%/an pour les VL et de +1,3% an pour les PL (scénario tendanciel). Or, comme le montre un autre graphique, ce trafic PL a été multiplié par 3 sur la section depuis 2012 (shunte A39 via la RN83). Ce comparatif pose question quant à la fiabilité des modélisations présentées et la justification d’une mise à 2×2 voies impérative de ce tronçon. La modélisation s’appuie sur des données anciennes (sur la progression constatée entre 2005 et 2015) et ne semble pas tenir compte de la tendance des 5 dernières années qui inversement semble à la baisse.
Elever la capacité routière devient à moyen-long terme inefficace pour réduire les embouteillages :
C’est un phénomène bien connu sous le nom de « paradoxe de Braess » qu’augmenter la capacité d’une route correspond bien souvent à laisser courir l’augmentation du trafic, alors qu’une régulation adaptée de la vitesse permettrait de résoudre les problèmes d’embouteillage et de sécurité. À ce sujet, il nous paraît paradoxal de vouloir réduire les risques d’accidents en favorisant des vitesses plus élevées.
Dans une perspective de limitation du trafic automobile et de l’étalement urbain, la création de nouvelles infrastructures routières est inutile et contreproductive. Il est connu depuis les années 1930 que l’augmentation de l’offre induit une augmentation des déplacements motorisés. La loi de Zahavi énonce qu’en réduisant les temps de trajet, on rend des distances de plus en plus grandes acceptables comme trajet quotidien et on incite les ménages à s’éloigner de leur lieu de travail, créant davantage de trafic.
À propos de la congestion aux heures de pointe, il est connu de longue date que l’augmentation de la capacité routière est inefficace pour réduire les embouteillages (1). Augmenter la capacité d’une route, c’est laisser courir l’augmentation du trafic, ce phénomène très documenté est celui de la demande induite de trafic (2). Après une augmentation de l’offre viaire, on observe souvent une augmentation de la vitesse moyenne des véhicules, laquelle réduit ensuite avec l’augmentation du trafic. On retrouve in fine le phénomène d’embouteillage quelques années plus tard, mais cette fois à plus grande échelle, la route étant plus large.
Ce phénomène est si bien connu des planificateur.rice.s et des décideur.se.s publics qu’il est utilisé consciemment comme un outil de régulation du trafic (3). Les embouteillages sont utilisés comme un « péage temporel » ou les usager.ère.s payent de leur temps plutôt que de leur argent. Cette régulation par la congestion est donc socialement plus juste qu’un péage urbain ; elle est aussi très efficace. En effet, un sondage réalisé en 2014 par l’Ifop pour l’Union des transports publics révèle que les difficultés à circuler sont le premier facteur qui convaincrait les automobilistes de prendre les transports en commun, loin devant le prix de l’essence.
Enfin, quand on sait que le taux moyen d’occupation des véhicules est de 1,2 personnes par automobile, la question de l’utilisation rationnelle de la voirie existante apparaît comme une priorité sur l’augmentation du nombre de voies
Extraits de l’avis de l’Ae :
« Le manque de réalisme de l’étude d’impact quant aux hypothèses de trafic routier et d’urbanisation ne permet pas d’être assuré de leur prise en compte au juste niveau et remet en question l’ensemble de l’évaluation. »
« Le modèle de trafic n’intègre aucun effet rebond – appel d’air suscité par l’ouverture de nouvelles capacités suivi d’une nouvelle saturation et par conséquent de choix d’échappements analogues. »
(1) https://www.nytimes.com/2018/04/25/opinion/cars-ruining-cities.html
(2) https://www.vtpi.org/gentraf.pdf
(3) https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01480663/document
L’incohérence avec les engagements de la France et des collectivités locales en matière de réduction de l’étalement urbain et de l’artificialisation des sols :
D’après le Ministère de la transition écologique : « En France, entre 20 000 et 30 000 hectares de sols sont artificialisés chaque année. Cette artificialisation augmente 4 fois plus vite que la croissance démographique ». Elle détruit des terres agricoles nourricières, des espaces de verdure qui sont des refuges pour la biodiversité et des puits de carbone contribuant à freiner le réchauffement climatique. Lors de crues, l’imperméabilisation des sols accentuent les risques d’inondations et parfois de façon dramatique.
Dans son plan d’action climat de 2021 le même Ministère, afin d’atteindre l’objectif de Zéro Artificialisation Nette, préconise une division par deux du rythme d’artificialisation dès 2030.
En 2021, “L’aire d’attraction” de Besançon (superposition du bassin d’emploi et du bassin de logement) comportait 313 communes et couvrait 2 518 km² pour une population de 278 026 habitants. D’après l’INSEE (2020), 28,2 % de l’emploi du Grand Besançon Métropole est occupé par des actifs qui viennent de communes extérieures à ce périmètre. La moitié d’entre eux parcourt plus de 30 km pour se rendre à leur travail. Ces proportions risquent de fortement augmenter si on continue à faciliter le trafic automobile.
L’augmentation de la capacité routière des sorties et traversées de ville produit déjà en soi une imperméabilisation des sols par bitumage. Mais aussi et surtout, la fluidification du trafic routier et le raccourcissement des temps de trajets en voiture (du moins pendant les premières années de mise en service des infrastructures, avant que le trafic ne se ré-engorge) encouragent les gens à aller habiter de plus en plus loin des villes et des lieux d’activités. Cela contribue à l’accroissement continu des zones périurbaines, le développement de villages-dortoirs et de zones commerciales périphériques, lesquelles sont un moteur important de l’étalement urbain. L’urbanisme centré autour de l’automobile c’est aussi cette « France moche » qui tue le commerce de proximité.
Au niveau de Grand Besançon Métropole, il y a une incohérence à vouloir d’un côté urbaniser des espaces maraîchers urbains tels que les Vaîtes dans l’objectif de créer une nouvelle offre d’habitat attractive en ville pour limiter la « fuite » des familles dans le périurbain, et d’un autre côté élargir des infrastructures routières qui encouragent à habiter de plus en plus loin.
Ainsi dans son avis, l’Autorité environnementale souligne :
« Le dossier n’ouvre pas de perspective sur une autre forme d’urbanisme à repenser l’urbanisme autrement. Les opérations prévues conçoivent l’équipement routier non pas comme une desserte mais bien comme une aide au trafic de transit et un appel accru à utiliser sa voiture pour se déplacer. »
« L’infrastructure routière étant, comme l’indique le dossier, susceptible de catalyser la périurbanisation à l’œuvre dans ce secteur, elle induit potentiellement une consommation d’espaces et une artificialisation. Pourtant cet effet n’est pas abordé dans l’étude d’impact, ce qui est une lacune. »
La réponse de la Maîtrise d’ouvrage sur ce sujet paraît lacunaire.
Dans le même sens au niveau de l’élaboration des futurs documents d’urbanisme (SCoT, PLUi, …), il serait également souhaitable d’y inscrire une politique plus restrictive quant à la construction de logements neufs en milieu périurbain. Celle-ci serait à même de stopper la pression routière croissante qui s’exerce sur le réseau existant.
Un projet qui va à l’encontre de nos engagements en matière d’émission de gaz à effet de serre :
Nous l’avons vu précédemment, il est scientifiquement établi que l’augmentation de l’offre routière entraîne une augmentation du trafic et donc, à terme, un retour des embouteillages. Tout l’argumentaire du maître d’œuvre s’appuyant sur une diminution des encombrements pour prévoir une diminution des gaz à effet de serre ne sera donc rapidement plus valable.
De plus, cette augmentation du trafic va de pair avec une augmentation des déplacements, notamment les déplacements domicile-travail liés au phénomène d’étalement urbain que favorise ce type d’infrastructure. Or, comme le rappelle le Groupe d’Etude de l’Environnement et du Climat dans son rapport sur le projet urbain du quartier des Vaîtes à Besançon (1) : « la circulation routière liée aux déplacements domicile-travail a rejeté 1,6 million de tonnes de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle de la région Bourgogne-Franche-Comté en 2016. Cette quantité représente la moitié des 30 % des émissions totales liées au transport (principale activité contributrice aux émissions de GES). D’après nos estimations, bien qu’un peu anciennes, le bilan des émissions directes de CO2 des ménages, dues aux déplacements en voiture vers le lieu de travail ou d’études et au chauffage domestique, sont plus importants dans les communes périphériques qu’à Besançon. Les émissions annuelles de CO2 par personne pour les habitants du Grand Besançon (hors Besançon) dépassaient de 10 % celle de la commune centre éponyme. Dans les communes plus éloignées, situées hors du périmètre du Grand Besançon, les émissions étaient 30 % plus élevées. Pour les seuls déplacements, les émissions sont 56 % et 106 % plus élevées par rapport à Besançon respectivement dans et hors du périmètre du Grand Besançon. »
Au-delà même des phénomènes de trafic induit et d’étalement urbain, ce projet entraînera inévitablement une augmentation des gaz à effet de serre car la nouvelle organisation de la circulation au niveau des viaducs et des ronds-points fait augmenter le kilométrage parcouru global.
Bien que le maître d’œuvre affirme le contraire dans sa communication, il est indéniable que ce projet va entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre à moyen et long terme et peut-être même à court terme. Il irait donc à l’encontre des engagements de la France en la matière. En effet, en ratifiant les accords de la COP21, la France s’est engagée à réduire ses émissions (2) de 40% d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050 (3).
Extrait de l’avis de l’Ae concernant les émissions de GES :
“… le dossier présente un biais d’optimisme qui ne permet pas d’évaluer correctement les évolutions […]”
“ […] les émissions de gaz à effet de serre sont supposées diminuer, sans que le volume ne soit précisé, du fait de la réduction de la congestion, sans que celles liées à l’urbanisation induite soient évaluées.”
La techno-science va-t-elle nous sauver et nous permettre de garder nos modes de vie et de consommation ? (Nous tenons d’abord à affirmer que nous sommes favorables à la recherche et à la technologie quand celles-ci sont utilisées de façon mesurée et à bon escient, ainsi que dans le respect de l’équilibre des écosystèmes environnementaux auquel l’humain appartient et dépend)
Il nous semble opportun ici de rappeler que l’électrification du parc automobile est inopérante pour répondre à l’enjeu vital qu’est le réchauffement climatique. En effet, même en ignorant l’énergie grise consommée lors de la construction de ces véhicules, les gains d’efficacité énergétique à l’usage qu’ils permettent seront vraisemblablement compensés par l’augmentation du volume global de déplacements automobiles, de la même façon que l’augmentation des émissions, évoquée précédemment, a eu lieu dans un contexte d’amélioration de la sobriété des véhicules (4). L’existence de ce phénomène, connu sous le nom de paradoxe de Jevons (5), est déjà établi (6). Le renouvellement du parc automobile nécessite en outre des métaux, dont l’exploitation est lourde de conséquences sociales (7), écologiques et géopolitiques et demeure inopérant face à l’étalement urbain. Il en va de même pour les véhicules à hydrogène.
Nous devons aussi nous poser la question : Compte tenu des enjeux planétaires à venir, est-il souhaitable de remplacer chaque véhicule à énergie thermique par une voiture électrique ou à hydrogène ; autrement dit, maintenir, voire augmenter le parc automobile ? Si comme nous le souhaiterions la tendance, suite à des choix politiques responsables, allaient dans le sens d’une baisse du parc, alors le problème des encombrements ponctuels sur la RN 57 se résoudrait de lui-même. C’est aussi une hypothèse à ne pas négliger, qu’avec une prise de conscience croissante des enjeux environnementaux, la raréfaction des matières premières et l’augmentation des coûts, nous allions vers une diminution importante de l’utilisation de la voiture individuelle. Il nous faut aussi oser imaginer ce que seraient alors des infrastructures routières surdimensionnées avec une raréfaction d’utilisateurs.
Le contexte actuel d’augmentation considérable des carburants doit nous alerter sur la possibilité qu’un nombre, plus ou moins important, de ménages soit dans l’obligation, à partir d’un certain seuil, de restreindre l’usage de la voiture. Le risque est d’autant plus grand que l’on parle de plus en plus de dépassements des pics de production concernant les sources d’énergies. La raréfaction des matières premières, alliée à une augmentation de la demande, interrogent aussi les possibilités de continuité de productions massives de nos objets technologiques bon marché (dont les équipements automobiles, batteries, …). Faut-il vraiment continuer à réaliser de nouvelles infrastructures routières coûteuses pour un monde qui risque fort de ne plus avoir les moyens de rouler ?
(1) https://www.besancon.fr/wp-content/uploads/2021/03/Rapport_Vaites_GEEC-08032021.pdf
(3) https://www.alternatives-economiques.fr/sommet-climat-apres-paroles-actes/00082404
(5) http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/Paradoxe%20de%20Jevons/fr-fr/
(6) https://www.alternatives-economiques.fr/transports-leffet-rebond/00063136
Des projections sur l’évolution de la qualité de l’air qui reposent sur des postulats de départ erronés :
Tout l’argumentaire développé par le maître d’ouvrage selon lequel ce projet permettra une amélioration de la qualité de l’air repose sur 2 postulats : le projet permettra une amélioration de la fluidité du trafic d’une part et les véhicules circuleront à 70 km/h (au lieu de 50 et 90 km/h aujourd’hui) d’autre part.
Pour ce qui est de la fluidité, si l’amélioration de la qualité de l’air paraît évidente avec la résolution des points de congestion à court terme, ces gains seront perdus sur le long terme du fait de l’effet catalyseur et d’encouragement à l’éloignement résidentiel.
Pour ce qui est de la limitation de vitesse, dans son avis l’Autorité environnementale démontre que « la conception de l’aménagement est celle d’une voie rapide à 110 km/h. Comme le précise l’article R 110-2 du code de la route, il doit y avoir une cohérence entre l’aménagement et la limitation de vitesse applicable. Dans l’état actuel de l’aménagement projeté, il n’est pas exclu que les vitesses pratiquées soient significativement plus élevées ». Dans ces conditions, les prévisions d’évolution de la qualité de l’air présentées dans l’étude d’impact sont donc erronées.
L’impact de ce projet sur la qualité de l’air nous semble donc très inquiétante, d’autant plus que, comme le souligne l’étude d’impact sur la qualité de l’air, le projet doit voir le jour dans un environnement caractérisé principalement par des espaces urbains et périurbains où l’on trouve 28 établissements recevant des populations vulnérables.
Extrait de l’avis de l’Ae :
« Sans aménagements plus volontaristes en vue de développer des modes de déplacements alternatifs à la voiture, l’effet positif sur la qualité de l’air sera faible et ne permettra pas de respecter les objectifs de qualité de l’Organisation mondiale de la santé. »
Un optimisme discutable en ce qui concerne les nuisances sonores:
Les 3,8 km de protections acoustiques pouvant atteindre 4 m de hauteur auront sans doute un effet limité sur les logements situé en forte surélévation de la voie notamment en raison de l’accroissement de la vitesse de circulation de 20km/h génératrice de bruit supplémentaire, de l’augmentation du trafic escomptée (+30%) et dans certains cas du rapprochement physique de la circulation avec les habitations du fait de l’élargissement de l’infrastructure. L’optimisme affiché par le maître d’ouvrage sur ce point est donc très discutable d’autant que les 7 mesures acoustiques réalisées en avril 2019, ayant permis le calage de la simulation, ont été réalisées en bordure immédiate de la voie actuelle et qu’il est indiqué que les simulations correspondent à ce qui serait perçue au premier étage des bâtiments d’habitation et non au 10ème étage d’un immeuble d’habitation.
La non prise en considération des impacts sur le reste de la ville :
Comme vu précédemment, la faiblesse d’étude sur le trafic induit lors de la préparation du dossier par la DREAL est un véritable problème. En effet, nombre d’études démontrent qu’à court ou moyen terme, la fluidification du trafic est annulée par l’accroissement du trafic induit. Le manque de considération de ce phénomène impactera directement la Ville de Besançon qui est déjà largement saturée par les véhicules.
Comment la Ville, à l’urbanisme et la topographie contraignants, pourra-t-elle libérer l’espace nécessaire au développement de transports en commun et modes doux alors que l’on aura, par ce projet, facilité l’usage de la voiture et la multiplication des déplacements ?
On sait aussi que le report modal n’est pas réel si l’on peut facilement ne pas faire l’effort de changer ses habitudes. Ainsi, en facilitant l’étalement urbain, donc l’usage de la voiture individuelle (et vice versa) de même que l’arrivée au plus près du centre-ville, on freine un réel transfert modal aux entrées de la ville. La Ville de Besançon devra alors renoncer à une transition indispensable faute de place et de choix.
Des travaux d’une telle ampleur auront obligatoirement de fortes répercussions sur la mobilité dans les quartiers périphériques. Un des objectifs de ces travaux est l’amélioration des conditions de circulation sur la RN57 afin d’éviter, comme cela existe aujourd’hui, les reports de trafic sur les voies urbaines qui ne sont pas adaptées pour les accueillir. Mais rien n’est prévu pour « cloisonner » les automobilistes sur la RN57, lors de conditions de circulation altérées. Et surtout, nous craignons malheureusement que cet aménagement produise l’effet inverse en améliorant certes le trafic de transit, mais en apportant également une surcharge de trafic routier malvenue dans les quartiers et axes urbains périphériques. En effet, en fluidifiant l’usage automobile sur la RN57, les automobilistes seront incités à se rendre en voiture sur les axes urbains qui lui sont connectés
Aussi, nous proposons d’abord qu’une véritable étude, indépendante de la Maîtrise d’ouvrage, soit menée sur les risques d’impact pour les rues de l’ensemble de Besançon ainsi que pour celles du village de Beure. Si des risques d’encombrement ou de vitesse excessive s’avèrent réels dans certaines rues, nous proposons des aménagements concomitants à celui de la RN 57 et que le coût de ceux-ci soient répercutés sur celui du projet : mise en zone 30 avec réduction de la largeur des chaussées, implantations de chicanes et ralentisseurs. Cela devrait d’ailleurs déjà être mise en place systématiquement sur toutes les rues adjacentes à la RN 57.
Pour revenir à la pollution qui sera inévitablement accrue, la ville étant encaissée, celle-ci s’y accumule très facilement, mettant en danger la santé de ses habitants et particulièrement des enfants.
Rapport UNICEF : En France, plus de trois enfants sur quatre respirent un air pollué. Ce chiffre s’explique par une exposition plus importante à la pollution atmosphérique dans les villes, où vivent la plupart des enfants. Le transport routier est l’une des principales sources de pollution atmosphérique (63 % pour les oxydes d’azote). Les enfants sont particulièrement vulnérables en raison de l’immaturité de leurs organismes et de la fréquence à laquelle ils respirent, susceptibles d’entraîner de nombreuses pathologies (asthme, allergies…). https://www.unicef.fr/article/pollution-de-l-air-et-pauvrete-des-enfants-de-l-injustice-sociale-dans-l-air
Un surdimensionnement de la route :
Au niveau de sa géométrie, le projet a été conçu pour une vitesse maximale de 90 km/h. Pourquoi alors que la vitesse sera limitée à 70 km/h ?
Le surdimensionnement d’une voirie pousse inévitablement les usagers à rouler plus vite, trop vite, et ceci aggrave considérablement la pollution, le bruit et la gravité des accidents. Nous pensons que la mise à 2X2 voies sera difficilement gérable et préjudiciable.
Extrait de l’avis de l’Ae :
« Le parti retenu est finalement très proche de la voie rapide urbaine, même si le dossier le décrit comme un parti établi « sur la base d’un boulevard urbain, […] La conception de l’aménagement est celle d’une voie rapide à 110 km/h. […] Les largeurs actuellement prévues ne sont pas en cohérence avec une limitation de vitesse souhaitée à 70 km/h. »
Un manque de précisions criant sur la nature des aménagements cyclables prévus :
A la page 17 de l’étude d’impact, au sous-chapitre 2.2.2.4 “Des aménagements dédiés aux modes doux”, il est précisé que « l’axe Nord-Sud est un itinéraire structurant du schéma cyclable de l’agglomération. ». Or, le caractère structurant et prioritaire de ce tronçon n’apparaît ni dans le schéma cyclable 2015-2025 du Grand Besançon (dénommé depuis la Loi LAURE « Plan de Mobilités »), ni dans le document opérationnel validé en conseil communautaire du 01/04/2019 dans le cadre de la révision de ce schéma. Cette temporalité décalée avec le PDM en cours de révision aura des incidences structurelles, techniques et financières non évaluées, ni par l’Etat, ni par GBM.
Pour ce qui est des aménagements cyclables prévus, soulignons en préambule que le dossier n’intègre à peu près aucun plan de détail des aménagements et du réseau cyclable prévisionnel, ce qui rend quasiment impossible d’appréhender de façon correcte la qualité de l’aménagement et la prise en compte du vélo. A titre d’exemple, il est impossible de comprendre dans quelle mesure le pont bus et mode doux (OA6) parallèle à la rue de Dole intègre un axe cyclable dédié, séparé des bus et des piétons. De même, les largeurs de circulation ne sont quasiment jamais précisées.
Nous sommes particulièrement inquiets de constater que les plans des carrefours sont trop lacunaires pour que nous puissions nous prononcer sur la qualité des raccordements et des continuités cyclables, alors même que dans ce genre de configuration nous savons que le diable se cache dans les détails. Par exemple, pour un cycliste venant de la rue Flandres-Dunkerque à destination de la ZAC de Trépillot (source importante d’emplois), le plan p 42 de la pièce G “Etude d’impact”, montre un passage inférieur à la rue de Dole pour les piétons et cycles, mais sans que des plans de détail ne permettent de comprendre si les piétons et cycles sont mélangés ou séparés. Par ailleurs, les raccordements aux aménagements existants ou projetés (rue de Dole, notamment) ne sont pas explicités. Autre exemple au niveau du giratoire de Beure où aucun plan ne permet de comprendre comment les aménagements se raccordent à ceux existants (véloroute) et potentiels (raccordement à la commune de Beure).
Le peu d’informations disponibles sur la nature des aménagements cyclables fait ressortir un projet de piste cyclable de 3 m de large pour la section Saint-Ferjeux Planoise mais aussi à plusieurs autres endroits des « voie mode doux ». Le plan C-C’ de la pièce G laisse à supposer que ces “voies mode doux” seront des “voies vertes”, comme par exemple pour la section Vallières Planoise. Or, la voie verte est à réserver aux cas où la densité d’usage cycliste est modérée à faible. Au niveau du secteur concerné (n°13 sur le plan de la pièce C), c’est loin d’être le cas : accès du quartier Planoise à l’avenue François Mitterrand, accès depuis la polyclinique, etc. De plus, de telles voies ne sont possibles qu’en dehors de toute voirie existante (cf recommandations du CEREMA).
En outre, l’itinéraire dans sa globalité fait apparaître un déficit de connexions, liaisons fluides et continuités, contrairement à celui prévu pour les automobiles. Autant pour les automobilistes, le tracé routier est simple, direct, à niveau, autant celui pour les cyclistes est complexe, tortueux, discontinu, peu intuitif et ajoute des dénivelés pour des usagers se déplaçant avec leur force musculaire.
Par exemple, au niveau du giratoire existant entre la RD57 et l’avenue Mitterrand, les cheminements cyclables intègrent des détours importants pour les vélos, difficilement compréhensibles pour un aménagement neuf (d’après le plan les cyclistes devront remonter l’avenue Mitterrand sur environ 130 m (260 m aller-retour) avnt de pouvoir la traverser.
En définitive, cet axe cyclable nord-sud que le maître d’ouvrage considère structurant révèle:
- une ségrégation dans l’approche qualitative de l’aménagement de l’espace pour les automobilistes et les cyclistes ;
- une inégalité dans le traitement de l’aménagement, discriminant pour les cyclistes ;
- une incohérence de l’aménagement avec les besoins (voies vertes).
Impact social et humain :
Aucun document ou carte n’indique précisément les acquisitions nécessaires et leur nature. Deux maisons sont pourtant détruites dans le projet et son emprise vient se rapprocher d’une bonne dizaine de propriétés. Les conséquences à dimension humaine et sociales du projet ne sont jamais évoquées dans les documents.
Le manque de prise en considération des espaces naturels :
Le dossier indique à plusieurs endroits que « le projet ne détériore aucune des continuités écologiques existantes car il s’agit d’un élargissement d’une route existante. »
Cette assertion n’est-elle pas trompeuse, voire mensongère ?
En effet :
- l’emprise routière est fortement élargie dans le secteur des Vallières.
- la route nationale sera accompagnée sur plusieurs sections au droit des Vallières et de Planoise par un écran acoustique de hauteur variant de 2 m minimum jusqu’à 4 m.
- les sections dans les intervalles sans ces « murs anti-bruit » seront fermées par une clôture de 2 m de hauteur.
- la colline de Planoise s’effondre sur une falaise non naturelle, dont la hauteur et le recul ont été amplifiés en 2021 pour la conforter, en prévision du projet.
D’ailleurs dans la pièce G de l’étude d’impact, pages 247 à 249, il manque la coupe en travers FF’, qui permettrait de visualiser cette rupture de la continuité écologique au niveau de la colline. - L’analyse d’impact du projet sur les surfaces naturelles et anthropisées peut sembler très optimiste et minimisée. A des fins d’éclairage, il serait nécessaire d’indiquer les surfaces actuellement perméables qui seront imperméabilisées (infrastructure, bassin d’assainissement, ouvrages de franchissement…).
Sur le tronçon entre Micropolis et le Doubs, la seule possibilité de franchissement de la grande faune permise par le projet se situera au seul niveau du passage inférieur du chemin de Montoille, dit de Cras Rougeot.
Et pourtant :
- L’ensemble formé par les collines de Planoise, de Rosemont et, dans le prolongement de cette dernière, celle de Chaudanne, est considéré comme un réservoir de biodiversité régional.
- « Ce secteur constitue un maillon local important du réseau écologique des milieux boisés et bocagers de l’agglomération, et donc un réservoir de biodiversité et un relai local pour les échanges entre populations fauniques. » Les 2 pôles de biodiversité Planoise et Rosemont ne sont pas des culs de sacs et communiquent avec les espaces naturels ou péri-urbains les entourant.
- La colline de Planoise est une ZNIEFF, doublé d’un EBC, que le projet vient amputer à sa lisière nord.
La fragmentation étant le morcellement des écosystèmes ou des habitats qui empêche les espèces vivantes de se déplacer et de jouir du territoire qui leur serait nécessaire, ce projet va donc accentuer la détérioration des continuités écologiques, en contradiction avec la Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui vise à lutter contre la destruction et la fragmentation des milieux naturels.
Le passage à faune du chemin de Montoille
Le projet prévoit une simple amélioration du passage actuel utilisé pour la circulation automobile (simple végétalisation aux abords, pose de clôtures de guidage). C’est le seul point de passage physiquement utilisable par les animaux sauvages (chevreuils, renards, sangliers …). D’ailleurs le dossier précise que « la RN57, notamment sur la section comprise entre les « Boulevards » et Beure, et la RN83 constituent des obstacles peu, voire infranchissables pour la faune terrestre, hormis en un point : le passage inférieur (Cras Rougeot) qui n’est actuellement guère favorable à la faune (dimension peu adaptée, fréquentation humaine, bitume). »
Car il est vrai que les passages inférieurs sont réputés moins efficaces que les passages supérieurs, qui ont l’avantage de pouvoir être végétalisés. A la limite, lorsqu’ils sont placés au bon endroit, avec des caractéristiques adaptées aux objectifs de défragmentation et lorsque les abords sont correctement aménagés, leur efficacité reste acceptable.
A contrario, dans le projet, il a été décidé de manière arbitraire, sans étude spécifique, d’utiliser ce passage existant, destiné à l’homme, en le considérant potentiellement adapté aux animaux, alors que non seulement son revêtement est en béton bitumineux, mais en plus il doit être partagé avec des voitures. Cette approche évasive met en exergue l’approximation d’une réponse au principal objectif des passages à faune, qui est celui de réduire les impacts de la fragmentation écopaysagère et de faciliter et développer les déplacements des espèces animales entre 2 pôles de biodiversité.
Au moins dans les années 60, lors des premières constructions des passages à faune (inférieurs ou supérieurs), les ingénieurs essayaient de trouver des solutions les mieux adaptées, pour aboutir aujourd’hui, au gré des expériences antérieures et des études faunistiques s’appuyant sur un grand nombre d’observations comportementales, à des constructions de type éco-pont de très grande largeur (actuellement de 3ème génération), abandonnant par la-même, et pour la grande faune, ceux sous ouvrage tel que celui du dossier.
D’ailleurs pour illustrer cette réorientation efficiente des passages à faune, dans le cadre de son plan d’investissement autoroutier, l’Etat (également maître d’ouvrage du projet RN57) a contractualisé avec la société des Autoroute Paris Rhin Rhône (APRR), en vue d’équiper d’écoponts (ou passages à faune supérieurs) les anciennes autoroutes (A36 notamment) de 16 passages à faunes : ce programme de travaux est en cours d’exécution, pour une livraison attendue courant 2023. Même approche pragmatique et durable pour les Suisses et les Allemands qui recouvrent ponctuellement, mais sur de grandes longueurs, leurs infrastructures routières et autoroutières de dalles végétalisées afin de reconstituer les paysages, de maintenir l’activité agricole ou d’assurer de réelles continuités écologiques.
Ce passage du chemin de Montoille sous la RN 57 ne peut pas être considéré comme un passage à grande faune : anachronique, inefficace et en contradiction totale avec le choix technique validé par l’Etat sur le réseau autoroutier (financement à l’appui).
En termes de continuité écologique entre 2 collines boisées répertoriées comme réservoir de biodiversité régional, ce passage à faune inférieur, d’à peine 10 mètres de largeur, est totalement dérisoire comparé aux 1200 m de frange végétale péri-urbaine actuelle, entre la colline de Planoise et le pont de Beure, qui sera elle-même complètement fermée à tout franchissement d’animaux terrestres. Amputée de cette frange, réduite à un simple passage routier, estampillé « à faune » pour faire bonne mesure, la continuité écologique de la grande faune n’est ni assurée, ni garantie et le dossier n’apporte aucune certitude à ce sujet. De fait, le projet s’avère un frein au développement de la biodiversité entre les 2 collines, pôles majeurs d’écosystèmes péri-urbains, fortement identitaires dans ce paysage bisontin si caractéristique de l’entrée sud-ouest de la ville Nature, promue à 2 reprises capitale française de la biodiversité.
Cette carence du dossier signifie un déficit voire une absence d’objectif de reconquête de la biodiversité telle que voulue par la Loi.
Extraits de l’avis de l’Ae :
« L’Ae recommande de reconsidérer l’évaluation des compensations à prévoir, y compris pour la biodiversité et les milieux naturels, une fois appliquées des hypothèses d’évolution du trafic et de l’urbanisation plus réalistes. »
« L’assertion du dossier selon laquelle il ne sera pas nécessaire de faire une demande de dérogation à la destruction d’espèces protégées ne semble pas en cohérence avec cette description, d’autant plus que les inventaires ne paraissent pas exhaustifs. »
La compréhension du projet, au plan paysager :
L’optimisme sur l’impact paysager du projet est discutable (impact visuel des protections acoustiques et de la mise à 2×3 voies à certains endroits si l’on considère les voies d’insertions au droit de Micropolis notamment).
Les continuités écologiques abordées au point précédent se trouvent en forte corrélation avec les continuités paysagères, qui en raison de la dimension du projet relèvent plus de ruptures que de continuités : ce n’est pas seulement une question de sémantique !
Le dossier s’attache à traiter l’approche paysagère principalement depuis la route, en limitant celle de l’intégration paysagère dans un environnement naturel et péri-urbain que les maires successifs de Besançon ont su préserver depuis la période d’après-guerre jusqu’à nos jours.
Pour évaluer la pertinence de l’insertion paysagère du projet, la maquette 3D reste encore le meilleur outil de représentation visuelle. Si elle est numérique, elle doit permettre un aperçu des ouvrages et des aménagements sous toutes ses faces, à hauteur de vue des habitants des quartiers traversés, dont les Planoisiens, ou de l’usager empruntant l’infrastructure, dont les piétons et les cyclistes, comme si chacun d’entre eux pouvaient visualiser le projet d’où qu’ils se trouvent. Ce dossier, d’un projet structurant impactant durablement le paysage, ne le permet pas !
Dans tout dossier d’urbanisme (DP et PC) sont exigées des vues d’insertion du projet dans l’environnement existant, vue de près, vue de loin. Certes le dossier en représente un certain nombre, mais beaucoup n’y figurent pas, telles que par exemples :
- la coupe FF’ au niveau de l’extrémité de la colline de Planoise et un visuel s’y rapportant depuis le complexe sportif de la Malcombe.
- une vue du projet depuis la frange du quartier de Planoise comme la cour de l’école Primaire Champagne.
- une vue de l’infrastructure routière depuis les belvédères des collines de Planoise et de Rosemont.
- une vue depuis les 2 côtés des chemins des Vallières à Port-Douvot, comme pourraient le percevoir les habitants riverains.
Cela favoriserait une meilleure compréhension du projet et permettrait de lever des incertitudes en terme d’insertion paysagère.
Une fracture accentuée du paysage bisontin :
Dans le dossier d’étude d’impact, le diagnostic paysager est certes posé, les enjeux sont correctement cernés et les objectifs clairement énoncés. Mais cependant le projet apparaît sur plusieurs points en contradiction avec la volonté affichée :
- La fracture urbaine, sociologique, écologique et paysagère, entre Planoise et la ville est accentuée : élargissement de la chaussée, construction d’un mur anti-bruit de 4 m de hauteur, remplacement d’une trémie à niveau par une simple passerelle.
- Les continuités écologiques et paysagères entre les collines de Planoise et de Rosemont, via la plaine de jeux de la Malcombe et la colline de Jissey, ne sont ni restituées, ni assurées : rognage de la colline de Planoise et du versant boisé donnant sur la Malcombe.
- Les bassins de rétention prévus auront un impact sur le paysage important (artificialisation, clôture, intégration paysagère difficile), notamment celui prévu sur le site inscrit au patrimoine dénommé « Colline de la Roche d’Or ». Ce principe paraît difficilement acceptable. Il manque la localisation des bassins d’assainissement et leur emprise sur la plupart des cartes.
Les coupures urbaines comme celle au droit de Planoise dissuadent le recours à la marche. Dissuasion qui est renforcée par l’aspect routier stressant et inconfortable de la voirie. Lorsqu’il devient plus facile et plus rapide de contourner la ville en voiture que de traverser la rue, on encourage de fait l’utilisation de l’automobile, ces trajets automobiles supplémentaires contribuent à saturer la voirie.
Concernant la colline de Planoise, de manière à répondre aux objectifs n°32 et n°34 à 37 du dossier d’étude d’impact, et pour satisfaire également aux exigences de l’amélioration des continuités écologiques, le projet aurait dû étudier d’autres solutions, dont pourquoi pas celle de restitution de la topographie en couvrant la route sur un peu plus d’une centaine de mètres, par une dalle végétalisée, plongeant, en degrés végétalisés également, vers la Malcombe.
Nota : les Suisses (A1 en Pays de Broye) et les Allemands (B31) couvrent ponctuellement leurs autoroutes ou routes, d’ouvrages en béton qu’ils recouvrent de végétation (équivalence amplifiée des éco-ponts). Cette proposition n’a rien de saugrenue, elle est techniquement possible (avec un abaissement de chaussée) et reste une réponse sur le très long terme aux enjeux de développement durable, de continuités écologiques et paysagères.
L’artificialisation de terres cultivables :
Le dossier est peu disert sur ce sujet, au point de ne pas l’aborder dans l’étude d’impact. A défaut de chiffres précis qu’aurait dû apporter le dossier, par exemple dans la zone sud des Vallières, la surface de foncier non urbanisé est estimée à environ 18 000 m2, décomposée en :
- 8 600 m2 de terres agricoles
- 7 500 m2 de prés et champs, vergers
- 2 100 m2 de bois.
Sur l’ensemble du projet, ce seront quasiment 2 hectares de terres arables détruites pour la construction de l’infrastructure routière, sans que soient proposées des mesures de compensation. Or le SRADDET a fixé des règles de contrôle permettant de s’assurer que les projets d’aménagement en respectent les objectifs, et suivent, pour celle n°4, la trajectoire du 0 artificialisation nette à l’horizon 2050, avec un objectif intermédiaire de moins 50% en 2035 (Le ministère de la transition écologique parle maintenant de 2030). L’enjeu est vital pour les générations futures.
Rappelons également que les tensions internationales actuelles mettent en exergue des problématiques de carence alimentaire, voire de famine, ainsi que des enjeux de maintien et de développement de l’activité agricole au sein du territoire européen. Cela concerne bien entendu la France et localement le Grand Besançon, qui a engagé depuis plusieurs années, à l’échelle de l’agglomération bisontine, un travail sur des objectifs :
- d’autosuffisance alimentaire (pour certains produits) d’une part ;
- de limitation de l’étalement urbain d’autre part, qui se concrétisera par la publication de son PLUi, au plus tard en 2025.
Les terres agricoles font partie intégrante de notre patrimoine commun et universel, que l’on doit préserver d’une urbanisation tentaculaire et disproportionnée, dont ce projet est une illustration.
Ainsi il est prévu, dans le secteur sud des Vallières, la construction d’une aire d’accueil de 4 poids lourds, dont le choix du lieu d’implantation n’est pas explicité. Pour limiter l’imperméabilisation de surfaces arables, n’aurait-il pas été préférable de créer un tel parking par exemple sur celui existant situé à la sortie du péage de Besançon Centre (Ecole-Valentin) de capacité équivalente, ou sur un délaissé de la zone d’activité de Trépillot, ou encore dans la zone d’activités de Miserey-Salines ?
Même préoccupation pour la limitation de l’emprise foncière de la route entre les chemins des Vallières à Port-Douvot : pourquoi n’est-il pas envisagé une construction en ouvrage avec murs de soutènement latéraux en remplacement des larges talus en remblais ?
Sur la question de l’artificialisation des terres arables, le dossier se doit :
- d’évaluer les surfaces arables impactées par le projet ;
- de préciser les mesures de compensation ;
- d’argumenter sur les choix techniques ou stratégiques aboutissant à la suppression de terres à potentiel agronomique.
Franchissement du Doubs :
Le maintien des piles de pont de l’ouvrage existant à des fins écologiques est discutable et peut-être aussi orienté par des choix économiques. Les une à deux nichées de harles bièvres étant très saisonnières et de toute façon menacées par le projet car encadrées par 2 ouvrages de franchissement. Elles seront potentiellement aussi très impactées pendant les travaux de construction du second ouvrage. Le démontage de ces deux piles à l’esthétisme discutable permettrait aussi de compenser le remblai de 1 460 m3 induit par la construction des piles du nouvel ouvrage de franchissement du Doubs.
Une communication grand public tendancieuse :
La communication grand public autour de ce projet, au vu notamment de la présentation faite au Kursaal, est clairement orientée et peu objective. En effet, il n’est présenté que sous un jour positif et les impacts négatifs sont été soigneusement écartés ou repeints en vert en avançant des arguments peu convaincants.
De même, la brochure 4 pages relative à l’enquête publique distribuée dans les boîtes à lettres présente le projet comme une évidence indiscutable en mettant en avant des arguments dont nous avons démontrés plus haut qu’ils étaient erronés (continuité écologique renforcée, qualité de l’air amélioré etc.).
Cette communication en est choquante pour qui s’intéresse à une vue globale de la question des mobilités, de l’énergie, de la pollution ou de l’environnement.
Extrait de l’avis de l’Ae concernant le « Résumé non technique » qui reflète bien la façon dont la communication sur le projet a été manipulée :
« […] il ne décrit pas les difficultés de conciliation des objectifs du projet entre eux. Il présente les mêmes qualités et les mêmes défauts que l’étude d’impact en accentuant encore son biais d’optimisme. Il devra être complété d’un certain nombre d’éléments avant l’enquête publique et être adapté et actualisé pour le dossier d’autorisation environnementale. »
Coût du projet :
Les fortes sommes engagées par nos collectivités assèchent la capacité d’emprunt de celles-ci en direction de projets plus vertueux et plus efficients. Alors que les budgets des collectivités sont réglementairement contraints, déjà lourdement impactés par la crise COVID, et qu’ils vont l’être plus fortement encore par une crise énergétique en cours et à venir, rendant la disponibilité des matériaux et leur coût de mise en oeuvre prohibitifs ; un risque non négligeable de voir les collectivités obligées d’assumer cette explosion des coûts est qu’elles ne soit plus en mesure d’assurer d’autres financements indispensables, au service de tous leurs habitants.
En conclusion :
Nous souhaitons tout d’abord souligner l’incompatibilité de ce projet, d’une autre époque, avec les résolutions contre le changement climatique, l’effondrement de la biodiversité et des ressources en matières premières. En effet, l’agrandissement d’une infrastructure routière avec la volonté de faciliter le trafic, voire d’amplification de la vitesse encourage, de fait, l’utilisation de la voiture individuelle (grande pourvoyeuse de gaz à effet de serre), ce qui va totalement à l’encontre des résolutions précitées (même avec des carburants prétendus propres telles l’électricité ou l’hydrogène). Ce recours à la voiture individuelle va aussi de pair avec l’éloignement des foyers de la ville et des lieux d’activités avec un accroissement de l’artificialisation des sols en milieu rural, destructrice de terres agricoles et de biodiversité.
Comme le souligne l’avis de l’Autorité environnementale (Ae), les alternatives, pourtant plus respectueuses sur le plan écologique, n’ont pas ou insuffisamment été étudiées. Il en va ainsi des camions qui devraient rester sur l’autoroute, de la promotion forte du covoiturage ainsi que des transports en commun et modes actifs, du passage nécessaire à une sobriété des déplacements. Cela contrevient à la séquence ERC. De l’avis de l’Ae, l’objectif était essentiellement de finir le « chaînon manquant” de mise en 2X2 voie de la RN 57. Ainsi les études concernant ce projet et ses impacts n’ont pas été pensées à une échelle de territoire suffisamment importante.
De plus, au-delà même de la question de l’opportunité ou non de favoriser des déplacements en voiture, le projet tel que proposé présente des manquements criants : des chiffres sur l’évolution du trafic contestables, un optimisme discutable en ce qui concerne les nuisances sonores, un manque de précisions sur la nature des aménagements cyclables prévus, un passage à faune inopérant, un impact paysagé minimisé, une étude d’impact qui fait l’économie de l’évaluation sérieuse des espaces naturels et agricoles impactés, une communication grand public tendancieuse, une estimation des coût approximative et optimiste etc.
En l’état, ce projet nous semble donc inacceptable. Pourquoi les objectifs connexes à la fluidification du trafic automobile (meilleur traitement acoustique, sécurisation routière, nouveaux aménagements cyclables, passerelle modes doux et transport en commun etc.) ne pourraient t’ils pas être décorrélés de l’augmentation de l’emprise routière ? Une totale remise à plat du projet est donc indispensable.