L’évocation d’une restriction de la circulation automobile est souvent un « hérisse-poils » très efficace auprès de nombreux commerçants de centre-ville et, par conséquent, un facteur de limitation du développement d’une ville cyclable et apaisée.
A Besançon comme ailleurs, il semble couler de source que réduire la place de la voiture équivaut ni plus ni moins à tuer le commerce de centre-ville. Une nouvelle démonstration nous a été faite au moment du passage aux modes doux du pont de la République où des articles de presse nous présentaient certains commerçants ulcérés et inquiets par cette mesure d’écologie « punitive » qui allait décourager les clients et mettre en péril les enseignes de la boucle. Cette perception, ou plutôt cette réaction-réflexe, de bon nombre de commerçants dès qu’il s’agit de toucher à l’espace automobile ne s’appuie pas sur des faits.
Et des faits documentés, en voilà ! Encore récemment, un article de l’Est Républicain Lorrain* relatait les résultats d’une étude faite par l’agence de développement SCALEN à Nancy – si proche !- pour évaluer l’impact d’une voie piétonne estivale inaugurée lors de l’été 2021. Dans cette étude, brillait un schéma, limpide, qui remettait un peu d’objectivité dans cette histoire de « pas de parking pas de business ». Voilà donc le malentendu : les clients des commerces du centre ne sont que 35% à être venus en voiture quand les commerçants les pensaient TRES TRES largement majoritaires.
Il s’agit donc d’une erreur de perception qu’il convient à présent de corriger en s’appuyant sur des chiffres objectifs et, pourquoi pas aussi, sur les recommandations du GIEC ou celles du Haut Conseil pour le Climat qui martèlent qu’il nous faut changer radicalement notre mobilité pour être à la hauteur de l’enjeu climatique.
Ajoutons à cela les résultats d’une étude réalisée par l’ADEME, le CNRS et la FUB** , qui démontrait que les cyclistes dépensent en moyenne davantage que les automobilistes dans les commerces de proximité et nous voilà tous d’accord pour aller vers une ville cyclable et apaisée, bonne pour tous.tes!
- * Piétonnisation du centre-ville de Nancy : le regard différent des commerçants sur leurs clients, Julien BÉNÉTEAU – 13 juin 2022, lien vers l’article
- ** Commerces de centre-ville et de proximité et modes non motorisés, Rapport final, Publication ADEME n°4841
Cette étude renforce donc notre argumentaire.
Pour certains, ce ne sont pas seulement les commerces qui seraient impactés par des restrictions à la circulation en voiture, mais aussi les lieux culturels et de loisirs.
En témoigne cette proclamation d’un conseiller municipal, Laurent Croizier, parue dans « BVV »: « Plutôt qu’à Chamars, il est préférable d’inciter les visiteurs de la Citadelle à se garer au centre-ville de Besançon pour accéder à la Citadelle ». Et il conclut: « Le centre-ville deviendrait alors la véritable boutique de la Citadelle ».
Effarant… Et voilà que ce Laurent Croizier a été élu député de la 1e circonscription du Doubs!
Au printemps 2022, la Bibliothèque d’Etudes et de Conservation a présenté une très intéressante exposition des clichés de Jean-Paul Tupin, photographe municipal de 1967 à 2004. On y voyait en particulier la circulation intense, les bouchons, le stationnement envahissant… sur la Grande Rue, et à vrai dire toutes les rues de la Boucle. M. Croizier regrette-t-il cette époque?
Cette discussion est un « remake » de celle qui a eu lieu lors de la mise en place des rues piétonnes et de la restriction de la circulation automobile dans les années 70, avec les mêmes craintes et erreurs d’appréciation de la part des commerçants du centre ville.
Finalement, personne ne voulait faire marche arrière.